“Le sport féminin n’est pas un sous produit“
Nodjialem Myaro au micro de Sport+, à la mi-temps de Nîmes-Fleury Loiret, le 30 octobre dernier (J7).
Nodjialem, que pensez-vous de l’initiative des “24h du sport féminin“ ?
C’est un bel événement auquel je prends grand plaisir à participer. La LFH se devait de répondre présente et ce qui me plaît dans ces 24h, c’est qu’elles fédèrent plusieurs sports autour de la femme. J’aime cette approche transversale. Ce côté : “tous ensemble pour donner des elles au sport“ me plaît bien.
D’un autre côté, c’est quand même regrettable d’en arriver là pour faire prendre conscience du manque de considération du sport féminin par rapport au sport masculin… C’est un peu à l’image de notre société. Même si elles diminuent, les inégalités hommes/femmes persistent, y compris dans le sport.
Vous attendiez-vous à une telle mobilisation ?
On espère toujours être relayé un maximum (sourires). Mais c’est vrai que là, outre les grands médias nationaux, plusieurs chaines étrangères (RTBF, Africa 24, Euronews) ou visant à relayer l’actualité française à l’étranger (TV5 Monde) sont impliquées, tout comme les radios nationales. Cet événement touchera potentiellement dans 243 millions de foyers et 198 pays.
C’est super et au delà du combat, très important, pour plus de visibilité, cela permet aussi d’évoquer le sport comme source de bien être, d’équilibre, de dépassement de soi… Des vertus qui sont autant valables pour les hommes que pour les femmes d’ailleurs.
Quel est votre programme pour ce samedi 1er février ?
Je serai à Paris toute la journée. Le matin, à 10h, du côté de la Tour Eiffel pour le Flash Mob. J’invite tous ceux qui le pourront à nous rejoindre. Plusieurs joueuses de LFH seront présentes, au côté d’autres sportives comme Amélie Mauresmo, Laura Flessel, Marion Bartoli. Le Flash Mob lancera de façon symbolique ces “24h ».
Ensuite, je serai sur le plateau de Sport+ avec Edwige Lawson (vice-présidente de la Ligue Féminine de Basket). Nantes – Toulon St-Cyr (J12) est retransmis à 20h45 sur Sport+. 4 000 personnes sont attendues au Palais des Sports de Beaulieu (Nantes), on espère une belle fête. Le tirage des ½ finales de la Coupe de France sera effectué à la mi-temps.
Quel est votre sentiment sur la médiatisation du handball féminin, son évolution, depuis le début de votre carrière ?
J’ai commencé ma carrière en 1995. Avant, on ne parlait pas de handball à la télévision. En 1997 lors de mes premiers Championnats du monde avec l’équipe de France, aucun match n’était télévisé. En 1999, au Mondial en Norvège, la finale avait été retransmise sur France 2 (France 24-25 Norvège, après 2 prolongations, ndlr). Mais c’était exceptionnel et c’était l’équipe de France.
Aujourd’hui, les matches des Femmes de Défis sont tous retransmis. La LFH gagne en visibilité. Il ne faut pas s’arrêter là mais chaque année, on progresse un peu plus.
Pour en revenir à la médiatisation, depuis quelques années, la LFH franchit des paliers. En 2011-2012, il y a eu les web-diffusions. En 2012-2013, 15 matches ont été retransmis sur beIN SPORT et cette saison (18 matches) jusqu’en 2017, la LFH est et sera diffusée sur Sport+.
Etre lié au groupe Canal+, diffuseur officiel de la LFH, durant 4 ans, est-ce une avancée significative ?
Il y a toujours un décalage important avec les garçons, mais l’écart a plus tendance à se réduire qu’à se creuser. Le fait d’être 4 ans sous contrat avec Canal nous permet de construire un produit tv de qualité avec la chaîne, de travailler ensemble sur la durée. Les clubs ont conscience des enjeux et s’attachent à présenter un spectacle de qualité à chaque fois qu’ils sont diffusés. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité de leur travail. Ils jouent le jeu (remplissage, investissements structurants), font des efforts. Il faut le souligner et être reconnaissant de cela.
La LFH et la FFHB les accompagnent. Certains clubs ont par exemple investi, avec l’aide de la FFHB, dans un sol à tracé unique ou dans des LED. En 2014-2015, 7 clubs sur 10 disposent d’un sol à tracé unique contre 3 seulement en 2012-2013. Chaque club diffusé doit respecter un cahier des charges assez strict. Le fait d’être télévisé contribue à la professionnalisation des clubs.
L’image médiatique, la communication les sponsors, le merchandising, il y a tout un travail à poursuivre autour du produit handball. C’est en étant vues que l’on attirera plus de monde. Les résultats de l’équipe de France, qui sont une vitrine incontournable, contribuent à la visibilité des championnats, on le voit avec les garçons. Il y a du mieux pour le handball féminin mais la marge de manoeuvre reste importante, notamment quand on compare avec les pays scandinaves (Danemark, Norvège).
L’équipe de France féminine de handball, Championne du monde en 2003.
Après le titre de championnes du monde en 2003, une 1ère dans l’histoire du sport collectif féminin, le handball féminin aurait-il mérité de prendre son envol médiatique ?
Sur le moment, on en a beaucoup parlé mais tout est retombé assez rapidement. Dommage, il y avait beaucoup de choses à faire, d’autant que le scénario du match était très particulier (France 32-29 Hongrie, après prolongations une remontée héroïque dans les dernières minutes du temps réglementaire, ndlr).
Le sport féminin à la télévision représente seulement 7% du volume global des retransmissions (étude CSA). Que vous inspire ce chiffre ?
7%, c’est très, très peu. On sait le sport féminin “sous médiatisé“, mais à ce point… J’espère que l’étude du CSA permettra d’ouvrir les yeux et de prendre conscience de l’énorme décalage. Les directeurs de programmes, de rédactions, sont souvent des hommes, est-ce l’une des raisons ?
Pensez-vous qu’une émission dédiée au sport féminin aurait du sens ?
Pas forcément. Je ne suis pas pour une approche sectaire. Je ne crois pas que le sport féminin doit être isolé du sport masculin. En revanche, le sport féminin a de vraies belles choses à raconter. Ce n’est pas un sous produit, il a sa place à part entière, son identité. Il ne faut pas chercher à faire du “copier coller“ avec les hommes.
Vibrer, partager avec le public, c’est aussi ça la LFH.
Travailler le produit féminin, avec de belles histoires à raconter, des sujets présentés sous des angles différents, un autre regard, je trouve cela intéressant. Samedi soir à la mi-temps de Nantes-Toulon St-Cyr, on verra un reportage sur les jeunes mamans Camille Ayglon et Claudine Mendy. Offrir un beau spectacle sur le terrain, c’est primordial, partager avec le public, spectateurs, téléspectateurs, c’est aussi important.
Cette proximité, ce supplément d’âme que peut transmettre le sport féminin, ce sont des atouts précieux. Si l’on veut faire venir les gens à nous, il faut aussi, aller vers les gens.
Qu’aimez-vous regarder comme sports à la télé ?
Je suis les grandes compétitions que ce soit en athlétisme, les matches importants de basket, rugby, etc. France-Angleterre, c’est samedi soir, en filles comme en garçons, mais moi je serai devant Nantes – Toulon St-Cyr sur Sport+ (sourires).
Vous avez pris vos fonctions de Présidente de la LFH en octobre 2013. Pouvez-vous nous donner vos impressions et votre ressenti après 4 mois dans vos nouvelles fonctions ?
Cela se passe bien, je continue de m’imprégner de tous les dossiers. Nous avons la chance, à la Fédération de Handball, d’avoir une vraie considération pour la parité hommes/femmes. Au sein même de la FFHB, les femmes ont leur place, sont écoutées, c’est appréciable. Après, il faut rester vigilantes et ne pas lâcher le morceau (sourires).
Je suis contente de pouvoir vivre cette expérience et tenter de faire évoluer le handball féminin.
Jeanne-Marie De Torres (à droite), co-Présidente de Toulon St-Cyr.
Si les femmes sont représentées à la FFHB, cela reste plus rare dans la direction des clubs de LFH.
A Toulon St-Cyr, 2 femmes sont Présidentes (Jeanne-Marie De Torres, Perrine Paul), c’est malheureusement une exception, avec Karine Savina à Dijon (D2F). Et cette saison, il n’y pas d’entraîneur femme en LFH (l’an dernier, Florence Sauval officiait à Besançon, ndlr). Les staffs sont très masculins. Au début de ma carrière, en catégories jeunes, j’ai été entraînée par une femme et une partie de saison à Nice par Carine Bertrand.
Etes-vous pour une politique des quotas ?
Les quotas, cela permet de faire évoluer les choses mais derrière, il faut qu’il y ait une réflexion. Il ne faut pas le revendiquer pour le revendiquer et mettre des femmes pour “faire le nombre“. Il faut toute une adhésion et je un vrai sens à tout cela.
Quels sont les prochains “chantiers LFH“ qui vous tiennent à cœur ?
L’accompagnement des joueuses durant leur carrière sportive, la reconversion, sont très importants à mes yeux. Financièrement, les contrat des hommes et ceux des femmes ne sont pas les mêmes. Une femme peut difficilement vivre de sa pratique sportive tout en faisant des investissements pour l’avenir. L’après carrière, elle doit s’anticiper, se réfléchir et se programmer.
Aujourd’hui, on ne peut pas se permettre de dire : “Les joueuses de LFH sont professionnelles, et seulement des joueuses pro“ sans penser au projet de reconversion. Pour un entraîneur, en club, c’est plus facile à gérer une joueuse pro car elle est disponible tout le temps, à toute heure. Mais il faut protéger la joueuse et la femme. Je suis très vigilante là-dessus.
L’internationale française Amelie Goudjo, ici au côté du capitaine des Bleus Jérôme Fernandez lors de la Nuit du Handball, participe aux 24h du sport féminin.
De quelle façon ?
Par de la sensibilisation dans les centres de formation. En échangeant avec les jeunes, leur dire combien il est important d’être assidu dans les études. L’erreur serait de tout arrêter, que la femme se restreigne seulement à “joueuse“, on aurait tout faux.
Les sponsors, les entreprises qui ont aussi la possibilité d’embaucher des joueuses. A Dijon, la reconversion de Céline Murigneux (désormais chef d’équipe au groupe MédiaPost, ndlr) encadrée par les clubs, est une belle réussite et cela ne l’a pas empêchée de faire une belle carrière.
Il faut également continuer à développer du mieux possible le sponsoring et la médiatisation du handball féminin. Plus on sera vu, plus on fédérera de monde, mieux notre sport s’en portera.
Vous étiez au Mondial féminin en Serbie, vous avez suivi l’Euro masculin au Danemark. Un mot sur les Bleu(e)s ?
Les filles ont quitté le tournoi en 1/4 de finale. Sur le coup, c’est frustrant mais c’est une nouvelle équipe de France, qui a je pense un bel avenir devant elle. On espère que c’est le début de quelque chose. L’équipe de France a une image forte et importante pour la LFH. Quant aux garçons, ils ont une nouvelles fois montré des choses extraordinaires, ils ont la capacité incroyable d’être bons tous ensemble au même moment. Remporter une finale face au Danemark, au Danemark, c’était vraiment super.