Coupe d’Europe. Manu Mayonnade, Arnaud Gandais : l’interview croisée
Arnaud Gandais, entraîneur d’Issy Paris.
Rencontrer la même équipe 7 fois dans une saison, est-ce que cela vous est déjà arrivé ?
Arnaud Gandais. Non, pas à ma connaissance…
Emmanuel Mayonnade. Une saison, nous avons rencontrés Nîmes 7 fois également, dans la même configuration. Championnat aller retour, Play-Offs aller retour, Challenge Cup aller retour et Coupe de la ligue !
En tant qu’entraîneur, est-ce que c’est sympa, ou à la fin c’est énervant ?
A.G. On n’a pas trop le choix en fait. Le tort dans ce genre de situations, ce serait de croire que les matches sont un éternel recommencement, qu’ils se suivent et se ressemblent. Il faut rester très vigilant. Chaque match est différent, il y a une évolution tactique, il faut vraiment rester en éveil.
E.M. Pour moi, ce n’est pas du tout énervant. C’est même particulièrement excitant de pouvoir essayer de proposer des choses différentes, d’anticiper les problèmes posés et de comprendre pourquoi nous sommes autant en difficulté face a cette équipe là… En revanche, pour les joueuses, je pense que c’est usant, d’autant plus que les résultats ne nous sont pas favorables.
Au bout de la 5è confrontation, utilisez-vous autant la vidéo ?
A.G. Oui cela rejoint ce que je disais. Il peut y avoir une équipe qui prend l’avantage sur l’autre, et ne surtout pas considérer que le même match va se reproduire, il faut constamment essayer d’anticiper ce que va proposer le coach, proposer de nouvelles choses…
E.M. Oui, toujours, et peut-être plus encore avec l’accumulation des matches…
Emmanuel Mayonnade, entraîneur de l’UMB-B.
Qu’avez-vous pensé du match aller ?
A.G. On retient le score final (31–24, +7) mais cela ne reflète pas la physionomie du match. Il y a 45 premières minutes où nous étions au coude à coude. On fait une mauvaise 1ère période, on entre mal dans le match. On a été plus sérieux défensivement en 2nde période, beaucoup plus compacts. Nous avons récupéré quelques ballons importants que l’on a pu convertir sur grand espace.
En Coupe d’Europe, même pendant les temps faibles, il faut essayer de minimiser l’écart, le score est large, 4-5 buts d’écarts, cela aurait peut-être été plus “juste“. Et alors, ce n’est plus le même match.
E.M. Je pense que le résultat est très lourd pour nous. Nous faisons 45 minutes de qualité, cohérentes et puis nous nous effondrons complètement, sans avoir réellement réalisé l’importance de l’écart de buts.
Si ce n’est pas trop indiscret, qu’avez-vous dit à vos joueuses à la mi-temps (11-13) ?
A.G. Je leur ai dit qu’il ne suffisait pas de jouer au handball pour gagner un match. Qu’à partir de maintenant, tous les matches comptent, il qu’il faut aller chercher les victoires, et que pour cela, il faut un supplément d’âme.
E.M. Je n’ai pas du être très performant, au regard du score de cette seconde période (-9).
Cette saison, quel match face à l’UMB-B vous a posé le plus de problèmes ?
A.G. Le match nul chez eux à l’aller, d’ailleurs ce match nul est sympa pour nous. Nous étions menés pendant tout le match, encore à -2 à 2 minutes de la fin. On s’en était bien sortis mais on s’attend à ce type de match, compliqué, vendredi soir.
E.M. Dur de répondre à cette question. Nous ne les avons encore jamais gagnées, preuve que tous les matches ont été compliqués pour nous. Sur un plan émotionnel, incontestablement celui de dimanche en Challenge Cup.
A combien estimez-vous vos chances de qualification en finale de Challenge Cup ?
A.G. On doit absolument rester concentrés car ce sera compliqué à Bordeaux. Je ne suis pas fan de statistiques car je suis très mauvais en ça… Mais je dirais peut-être un avantage à 75%.
E.M. En tachant de rester assez lucide sur la situation, nous n’avons pour l’heure jamais gagné Issy Paris cette saison. Et vendredi, pour passer, il faudra le faire par 8 buts d’écart. Autant dire que la tâche s’annonce ardue. Je dirais 10% de chance !
Arnaud Gandais accèdera-t-il a une 2è finale de Coupe d’Europe consécutive ?
Quel est, jusqu’ici, votre meilleur souvenir en Coupe d’Europe ?
A.G. J’en ai 2. La victoire l’an dernier à Rostov Don qui nous qualifie pour la finale de Coupe des Coupes. Quand on sait la difficulté de cette Coupe d’Europe, aller se qualifier en Russie, c’est un exploit au delà de notre niveau de jeu. C’était un moment fort.
L’autre moment est plus anecdotique. Lors de notre descente en D2 pour raisons administratives, on joue la Coupe d’Europe (1/8è finale, 2009-2010), au 1er tour face à Göppingen (All.), on perd d’un but. On avait pris beaucoup de plaisir dans cette confrontation, face au futur vainqueur de la Challenge Cup.
E.M. J’en ai tellement… La victoire en finale de Challenge Cup (2011) reste le plus fort bien sûr. Notre retour sur Biganos reste un souvenir énorme. Au délà de la victoire finale, c’est surtout le scénario de la saison qui est assez plaisant. Beaucoup de changements cette année-là dans le groupe, un début de saison catastrophique et une montée en puissance assez linéaire.
Il y a aussi ma toute première campagne européenne, avec des voyages en Macédoine, en Islande, en Pologne, avec un groupe agréable et quelques troisièmes mi-temps également agréables (sourires).
Une anecdote, ou un souvenir moins bon, à nous rapporter ?
A.G. Notre ¼ de finale aller face à Prague, chez nous début mars. On fait match nul alors que nous étions quand même supposées être au dessus.
E.M. L’année dernière, avec Mios Biganos Bassin d’Arcachon, nous avons reçu deux fois, sur le même week-end l’équipe de Kielce. Généralement, ces double confrontations font souvent le jeu de l’équipe qui reçoit… Pas cette fois puisque nous avons perdu le premier match de 10 buts avec une élimination à l’issue du week-end.
Depuis le temps que vous vous affrontez en LFH, comme ça de tête, qui a le plus gagné face à l’autre ?
A.G. Cette saison, nous avons un peu pris l’avantage mais sur les précédentes saisons, il me semble que c’était assez équilibré. Je ne compte pas, ce sont toujours des matches compliqués.
E.M. Arnaud, sans hésitation. Le bilan était assez équilibré depuis le début mais cette année il n’y a aucune comparaison possible.
Après la Challenge Cup, Issy Paris et l’UMB-B s’affronteront en Play-Offs, objectif : le trophée de Champion de France.
Un match qui vous a marqué ?
A.G. Une fois, on a gagné très largement chez lui, de 17 buts je crois. On réussissait tout, eux c’était l’inverse. C’était un match assez surréaliste. Je me rappelle aussi d’une déroute en janvier, où on perd de -10, c’était peut-être la même saison d’ailleurs. C’était marrant de se rendre la monnaie de la pièce. C’était il y a 3-4 saisons je crois.
E.M. A noter que mon premier match en LFH s’est joué contre Issy Paris à l’extérieur et que j’en garde un excellent souvenir. Ensuite, il y a bien sur un match à Biganos ou j’ai dû passer l’heure la plus longue de toute ma vie d’entraîneur. Nous perdons de 16 buts je crois. Mais finalement, avec le recul, je pense qu’Issy Paris ne faisait que se venger de notre victoire là-bas un an plus tôt ou nous avions gagné de 10 buts (sourires).
A force de vous croiser, vous commencez à bien vous connaître. En quelques mots, comment définir la philosophie de jeu de votre “confrère“ ?
A.G. Je pense que Manu est un entraineur porté sur le beau jeu, sur la continuité, assez porté sur l’attaque. Il est assez joueur, il aime bien préparer des petits coups. Et puis il a les compétences, on ne fait pas 8 saisons de suite en LFH sans compétences.
E.M. L’équipe d’Issy Paris, au travers des sensibilités d’Arnaud, accorde une grande importance à l’aspect défensif. Les chiffres peuvent aisément attester de tout cela. Ils font preuve d’une extrême rigueur et il n’y a aucune place pour le hasard. Sans aucune méchanceté, je dis souvent d’eux qu’ils sont rarement extraordinaires, mais en même temps jamais mauvais. Ils jouent “simple“ mais c’est justement ça la plus dur à faire.
Qu’est ce que vous aimeriez prendre chez lui ?
A.G. Difficile à dire, je ne le suis pas à l’entraînement au quotidien mais je crois que c’est quelqu’un qui est assez proche de ses joueuses, qui essaie de les mettre en confiance, je pense que nous avons cela en commun.
E.M. On parle toujours de handball là ? (sourires) Arnaud semble assez proche de ses joueuses sans pour autant chercher à faire trop de complaisance. Pour le reste, difficile de savoir. Je ne le suis pas quotidien…et heureusement… (sourires)
Avez-vous une référence en terme d’entraînement/management ?
A.G. Je n’ai pas un tempérament de “fan“ dans la vie en général mais je voue un culte à Daniel Costantini pour avoir sorti le handball de l’ombre. J’ai une certaine fascination pour le management de Claude Onesta, participatif, intelligent. Et Claude Galland, mon professeur à la fac, ancien international, qui m’a donné le plaisir et le goût de l’entraînement.
E.M. Non, pas spécialement. Mon oncle (Dominique Mayonnade, ndlr), aujourd’hui décédé, m’a donné le goût de l’entraînement par le plaisir qu’il pouvait y prendre, par l’harmonie qui régnait sur et en dehors du terrain dans les équipes dont il avait la responsabilité.
Soirée de gala ce vendredi à Bordeaux.
Lequel d’entre vous est le plus mauvais perdant ?
A.G. Je serais tenté de dire les deux (sourires). C’est dans les gênes d’un entraineur, on n’aime pas perdre, le contraire serait inquiétant.
E.M. Je n’en sais rien, je n’ai pas encore vu perdre Arnaud contre nous cette saison.
Après votre 1/2 finale, se joue une autre affiche entre les Girondins de Bordeaux et Créteil. Qui allez-vous supporter ?
A.G. Je connais très bien l’entraîneur de Créteil (Benjamin Pavoni, ndlr), mais Manu le connait très bien aussi. Je ne sais pas si Créteil aura besoin d’encouragements vu qu’ils sont sûrs de monter. On espère qu’il y aura 2 beaux matches et une belle soirée de hand.
E.M. Les Girondins bien sûr, à 100%. Je connais très bien l’entraîneur de Créteil mais je connais très très bien celui des Girondins (Erick Mathé, ndlr). Et puis, Créteil est effectivement sûr de monter. L’issue du match ne changera pas grand chose à leur saison qui est déjà très belle. Tout comme celle des Girondins d’ailleurs.
Arnaud, avez-vous un message à faire passer à Emmanuel avant la ½ finale retour ?
A.G. Bonne question… Alors oui, je lui poserai la question : à quelle heure on se retrouve pour manger quelques bonnes huîtres sur le bassin d’Arcachon. On est assez proches et on aime bien échanger.
E.M. Tout d’abord, du fond du cœur, je les remercie pour la bouteille de Bordeaux qu’ils nous ont offert avant le match. Très original. J’espère qu’ils apprécieront nos champignons de Paris (sourires). Ensuite, j’attends une invitation pour venir manger en famille sur Paris dans la mesure ou Arnaud est déjà venu manger chez moi ! Les bons comptes font les bons amis…
Challenge Cup, 1/2 finale retour
19h. Union Mios Biganos-Bègles – Issy Paris, Salle Jean Dauguet (Bordeaux). En direct sur la web TV accessible depuis le site de la LFH ou sur France 3 Aquitaine.