Dans la famille Frécon-Demouge… avec Romane et Alizée
Cette semaine, pour notre long format, nous vous emmenons une nouvelle fois « Dans la famille de… » à la découverte de deux sœurs du handball tricolore. Il s’agit cette fois de Romane et Alizée Frécon-Demouge qui portent respectivement les couleurs de Saint-Amand Handball – Porte du Hainaut et de Besançon. Des joueuses de longue tradition handballistique. Interview.
Romane, Alizée, pouvez-vous vous présenter ?
Alizée : Je suis donc Alizée Frécon-Demouge, j’ai 29 ans et je suis demi-centre à l’ES Besançon Féminin depuis toujours puisque j’ai commencé là-bas. Cela doit faire 24 ou 25 ans que je suis au club (sourires).
Romane : Moi je m’appelle donc Romane, j’ai 30 ans et je suis ailière gauche et capitaine à Saint-Amand Handball – Porte du Hainaut. Avant de me retrouver là, j’ai aussi commencé à Besançon, évidemment. J’ai quitté le club après le pôle espoirs pour aller au centre de formation du HAC. J’ai signé mon premier contrat pro là-bas, ce qui fait que je suis restée 5 ans au Havre. Ensuite je suis partie à Bourg-de-Péage. Puis j’ai refait un an au HAC et là c’est ma 4e année à Saint-Amand !
Vous êtes dans le handball pro depuis plus d’une décennie, mais vous vous êtes aussi formées scolairement. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Romane : Moi j’ai eu un master I de droit privé. Et cette année, j’ai repris mes études et je suis en train de terminer un master II de droit du sport. J’ai aussi travaillé, dans trois de mes clubs, chez un sponsor. Je travaillais environ 10 h par semaine en lien avec mes études. Je n’ai jamais aimé ne faire que du hand car sinon je ne pense qu’à ça et c’est envahissant. Surtout j’aime avoir des journées bien remplies et toutes les expériences permettent de gonfler mon CV !
Alizée : Pour nous, faire des études était impératif et comme le travail de mon père, Laurent Frécon, est le suivi/la reconversion pro de tous les handballeurs des équipes de France et de tous les handballeurs en France, forcément, on était un peu prévenues. Il nous a toujours expliqué l’importance d’un double projet et on a suivi cela. J’ai d’abord fait un DUT en gestion des entreprises et des administrations, ensuite une licence professionnelle de ressources humaines. Et maintenant je suis étudiante en école de commerce à l’EM Business School, en école de management précisément. Je vais bientôt avoir terminé. Je voulais avoir fini tout ça avant la fin de ma carrière pour me laisser un peu d’air car je n’ai jamais vraiment travaillé en dehors du handball. Mais pour moi, avoir un bagage en poche, c’était la façon d’envisager l’avenir plus sereinement et m’ouvrir un maximum de portes. Après le bac, j’ai directement enchaîné en échelonnant, avec quelques petites césures quand même pour respirer.
Vous êtes aussi un peu calées en vin… Non ?
Romane : Depuis que l’on est jeunes, on aime le vin. C’est une histoire de famille. Donc avec le temps, on a eu le droit de sentir, puis de goûter. Et comme c’était vraiment un domaine qui m’intéressait, j’ai fait une école d’œnologie à distance. Et Alizée a fait la même école ensuite. Ce qui est drôle, c’est que souvent, on aime les mêmes choses.
Alizée : En fait j’ai fait la même formation qu’elle en œnologie parce que je ne suis rien qu’une recopieuse (rires). On est surtout des bonnes vivantes, on adore manger, partager, on a beaucoup d’amis en commun. Avec nos carrières, on n’a pas le temps de se retrouver autour de ça pendant les saisons, mais quand viennent les vacances, on le fait. Mais on boit vraiment avec modération.
Ça sera ça votre vie après le hand ?
Romane : J’aimerais bien, juste après ma carrière pro, rester dans le handball comme deuxième métier, mais c’est sûr que l’on aimerait bien faire quelque chose dans le vin ensemble, après. On en a déjà parlé.
Vous êtes nées dans une famille où le handball est plus qu’une tradition. C’est un héritage. Était-il possible d’y échapper ?
Romane : On a pris notre première licence à 5 ans je pense, mais on fait du handball depuis que l’on est nées ! On était déjà sur les tables de marque avec notre maxi-cosi… Voire même déjà un peu handballeuses dans le ventre de notre mère (rires).
Alizée : Selon nos parents, ce sont nous qui avons demandé à être inscrites au handball quand nous étions petites. Mais on a fait énormément d’autres sports jusqu’à l’entrée en sport études. Mais au final, c’est le hand qui a pris le dessus. Être nées dans une famille de hand, ça a son lot d’avantages et de contraintes, mais on y est quand même restées (rires). C’est génial car ça lie toute notre famille, des grands-parents aux parents, aux tantes en passant par les cousins. Mes grands-parents maternelles sont un peu à l’origine du handball féminin en Franche-Comté. Ils ont aussi entraîné à l’ESB il y a très longtemps, notamment ma mère, Joëlle Demouge, et ses 3 sœurs. Dans notre génération tout le monde a pratiqué et 3 sont au haut-niveau : ma sœur et moi, ainsi que notre cousin, Théo (Avelange-Demouge, ndlr) qui joue à Nantes.
Ça a été une pression quand on voit le parcours de vos parents ?
Alizée : Il y avait un peu de pression liée à la famille, forcément, mais en prenant un peu d’âge, on arrive à se détacher de tout ça. On sait que l’on ne joue pas pour eux et on prend du recul sur la situation. Quand on était petits, avec nos cousins, on avait peut-être une sorte de besoin, d’envie de réussir, on se comparait les uns et les autres. Après on est nés dans le haut-niveau donc l’avantage, c’est qu’on connaît les règles, ce qu’il va falloir sacrifier, la rigueur qu’il faudra mettre.
Romane : Ça a été un atout d’avoir nos parents, même si parfois certains ont pu dire que l’on était là grâce à eux et que l’on ne méritait pas forcément. Mais c’est un fait quand on a des parents présents, on avance mieux. Et moi je n’y serais pas arrivée sans eux. Après les matchs, je peux en parler avec eux, avec toute ma famille, ça te permet de progresser. Quand on était jeune, on pouvait inscrire 10 buts, si on avait fait un marcher c’est de ça dont on entendait parler (rires).
Surtout quand on a sa mère comme entraîneur…
Alizée : Notre mère nous a entraînés, avec ma sœur, pendant 3 ans, au pôle. C’était forcément particulier car c’est le moment de sa vie où on se construit. Il y a eu des moments compliqués et des énormes moments de bonheur car on a été championnes de France toutes les 3. Ça fait partie des meilleurs moments de ma vie. Ça a été une chance inouïe d’avoir partagé des émotions si fortes toutes les trois.
Romane : Quand notre mère nous a entraînées au pôle, ça n’était pas toujours facile d’écouter les critiques car on était jeunes. Mais c’était chouette d’être ensemble d’autant que l’on a été championnes de France -18 ans et interpoles. C’est un super souvenir.
Il y a aussi eu le beach handball, avec votre mère, pour vous Romane…
Romane : J’en ai fait deux ans avec deux campagnes européennes à la clef. J’ai adoré la pratique. C’est porté sur le jeu et le spectacle, tout ce que j’aime dans le hand. Elle était adjointe à ce moment-là. Moi j’ai une super relation avec elle donc quand elle m’entraîne, ça n’est pas ma mère, c’est une coach. Quand ça s’arrête, ça redevient ma mère. Aussi simple que ça.
Vous êtes aujourd’hui respectivement joueuses de Besançon et de Saint-Amand Handball – Porte du Hainaut, quels regards portez vous sur ce que vous faites ou avez fait ?
Alizée : Moi je suis vraiment bien à Besançon, sinon ça serait de la torture de rester dans un club que l’on n’aime pas. Ce qui est drôle, c’est que moi je n’ai pas bougé depuis toutes ces années, mais j’ai connu quelques entraîneurs différents et aussi beaucoup de joueuses qui sont venues puis reparties. Je me sens bien ici car l’extra handball est très important pour m’aider à être performante sur le terrain. Ici, j’ai ma famille, mon cercle d’ami, mon noyau. Je me suis posée plusieurs fois la question de partir ou pas et finalement la balance a toujours penché pour Besançon jusqu’ici. Dans les performances, je garde le titre de championnes de France en D2 parce que ça a été le moment du renouveau et on a enfin gagné quelque chose, ce qui permettait d’ouvrir un nouveau chapitre au club. Et je pense que ma première qualification en Coupe d’Europe a aussi été quelque chose de très fort.
Romane : Je suis très heureuse de ma carrière car je suis partie du pôle à un moment où personne ne pensait que j’allais devenir pro. Au centre de formation, on m’a aussi dit que ça serait compliqué. Je me suis beaucoup battue, j’ai beaucoup travaillé. J’avais peut-être moins de talent que d’autres mais beaucoup plus de hargne. J’ai fait un parcours qui me ressemble. Sur une carrière longue, je n’ai fait que 4 clubs et à chaque fois ça m’a apporté en tant que femme et handballeuse. Être par ailleurs passée par la D2, à Bourg-de -Péage, ça a été une opportunité de me rendre plus forte comme numéro 1 à mon poste. On a gagné le titre de championne de France de D2 aussi. Même chose à Saint-Amand où on est aussi remonté avec le titre. J’ai surtout joué le bas de tableau en première division pour le maintien ou la montée en D2, plus que l’Europe, mais ça me va bien en terme de caractère. Ce qui me tient à cœur aussi, c’est d’être capitaine, d’avoir une place de ce type dans l’équipe car j’aime cette idée de leadership, partager avec les autres.
Quel regard portez-vous sur votre sœur ? Est-ce qu’Alizée a toujours couru après Romane ou l’inverse ?
Romane : Je pense que ça a été plus dur pour Alizée que pour moi dans les débuts dans le handball. Et je suis vraiment très fière de ce qu’elle réalise aujourd’hui. Je regarde tout ce qu’elle fait. Là d’autant plus que l’on est dans la même division, mais même quand j’étais en D2F, je suivais tout. On se parle de tout, des séances d’entraînement, etc. On est très proches. Moi je la trouve vraiment incroyable.
Alizée : Aujourd’hui, on a une relation très fusionnelle. On s’appelle quasiment tous les jours ou tous les deux jours. On est très très proches, on se raconte tout. C’est un pilier pour moi et j’espère que c’est pareil pour elle. On est très complices. Notre relation est devenue comme ça quand elle est partie au centre de formation du Havre, à 17 ans. Avant, on était très chien et chat du fait de notre âge très proche. On va dire que je l’embêtais souvent. Je voulais toujours tout faire comme elle. Mais en même temps, elle voulait pas trop jouer avec moi (rires). Néanmoins, elle a toujours été très protectrice. Avec la distance, on voit aujourd’hui à quel point on a besoin de l’autre.
Romane : C’est sûr. Dès qu’il se passe quelque chose dans ma vie, je l’appelle immédiatement !
Est-ce qu’il y en a une meilleure que l’autre ?
Romane : Je pense qu’elle est meilleure que moi. Ce sont souvent les deuxièmes les meilleurs. J’adorerais jouer avec une demi-centre comme elle car elle fait plein de passes aux ailes.
Alizée : On joue vraiment à des postes différents. On ne peut pas comparer. Et elle a toujours été très fière de moi et nos parents ont été forts là-dessus. Ils n’ont pas voulu nous comparer. Chacune a son rythme.
Romane : Tu dis ça parce que c’est toi la meilleure, t’es humble en fait (rires) ! Allez on va dire que moi, je suis dans la technique. Et que toi tu t’y mets. Face à Dijon, elle a fait une roucoulette, elle me l’a envoyée direct après le match. Elle était surprise elle-même.
Alizée : Ah non mais, techniquement, niveau roucoulette et chab, je suis nulle. Elle, elle a un sacré sang-froid. J’essaye de m’y mettre, mais c’est pas encore fameux.
Vous aimeriez rejouer ensemble ?
Romane : Ça serait un rêve de rejouer ensemble. Mais ses clubs sont un peu au dessus des miens. Elle vise l’Europe et moi je suis plus dans la lutte pour le maintien…
Alizée : Le haut niveau, c’est tellement compliqué que l’on ne peut pas choisir si on rejouera ensemble. J’avoue que ça fait tellement longtemps que je me demande si on y arriverait (rires). Non vraiment, on s’entendrait bien, c’est sûr. Dans tous les cas, après nos carrières, on se rapprochera géographiquement car cela nous manque d’être ensemble.
Et jouer face à face, ça fait quoi ?
Alizée : Moi la première chose à laquelle je pense quand je sais qu’on va jouer son équipe, c’est que je vais voir ma sœur. Et ça, c’est super cool déjà ! En plus, bien souvent, il y a notre famille qui est là donc c’est toujours un bon moment. Ce sont de bons souvenirs. C’est beaucoup de partage.
Romane : Déjà en début de saison, c’est le premier match que je regarde pour savoir quand ça va être. Après, jouer face à elle, c’est génial. Toujours. Surtout quand c’est match à l’extérieur pour moi car je reviens à la maison et qu’il y a du monde en tribunes. Et puis j’ai toujours un peu fait des résultats face à Besançon avec mes équipes, alors que le club est au dessus de nous en général. Mais bon au final, c’est quand même elle qui a le plus de victoires ! Et ce même si je donne toutes les astuces possibles pour la battre à mon coach et mes partenaires (rires).
Qu’est ce que vous aimez chez votre sœur ?
Alizée : Romane, c’est quelqu’un qui ne lâche jamais rien, elle ne baisse pas les bras. Je suis admirative de son parcours car elle a eu plein d’embuches et ça n’a jamais été facile pour elle. Plus que moi, je pense, elle respire le handball. Elle regarde tout, elle est au courant de tout ! Elle est très très passionnée. Et puis techniquement, elle est ultra forte. C’est aussi quelqu’un de généreux. Elle veut toujours faire plaisir, elle est à l’écoute. On peut compter sur elle.
Romane : On a été élevées de la même manière donc on a beaucoup de valeurs communes. Alizée est très généreuse aussi. Mais c’est de famille. Nos parents et nos grands-parents étaient comme ça aussi. On est dans la convivialité. Ce que j’admire aussi chez elle, c’est qu’elle est perfectionniste. Cela m’impressionne. Et elle est très juste handballistiquement. Sinon comme femme, elle fait les choses à fond aussi.
Quelle anecdote en dit long sur votre relation ?
Romane : Plus jeune, j’aimais beaucoup les films d’horreur et comme elle voulait toujours tout faire comme moi, elle se cachait pour les regarder mais ça n’était vraiment pas adaptée pour moi donc pour elle… encore moins.
Alizée : Et du coup, il y a des mois où je n’ai pas pu dormir à cause de ça !
Et sinon, à part le hand et l’œnologie, il vous reste du temps pour faire autre chose ensemble ?
Alizée : L’été, on aime se retrouver. On fait des voyages ensemble quand on peut. Quand on se retrouve, on partage du temps en famille ou avec les amis.
Romane : Et on a aussi quelques tatouages en commun !