La CNCG publie un bilan de la situation globale des clubs de LFH sur la période 2008-2016
Pour la première fois depuis la création de la LFH en 2008, la Commission nationale de contrôle et de gestion (CNCG), publie un état des lieux sur l’évolution de la situation économique des clubs composant la division.
Francis Serex, président de la CNCG depuis 2008, commente la démarche de sa commission et évoque les perspectives.
Francis Serex, vous êtes devenu le président de la CNCG en octobre 2008, quelques mois après que l’assemblée générale fédérale a décidé la création de la LFH. Quel souvenir gardez-vous des réflexions de cette époque concernant la première division du handball féminin ?
Au regard du nouveau cahier des charges et des objectifs fixés conjointement par la Fédération et les clubs de D1F, 11 clubs avaient été autorisés à évoluer en LFH pour sa première saison 2008-2009.
Dès le début de mon mandat à la CNCG, nous avons constaté que les clubs en difficulté ou défaillants étaient souvent les mêmes d’une saison sur l’autre, et représentaient 25 % de l’ensemble des clubs composant la division.
Nous avons donc décidé de travailler, immédiatement, à l’identification précise des causes des difficultés rencontrées par ces clubs, afin d’engager une vraie démarche d’accompagnement.
D’une manière générale, la préoccupation de la CNCG, à la création de la LFH, fut véritablement d’insister sur la nécessité pour les clubs de travailler à leur structuration interne et de les accompagner en mettant à leur disposition des outils d’aide au pilotage et à la décision (fiche budgétaire modélisée, fiche détaillée de masse salariale, plan de trésorerie etc.).
Presque 10 ans après la création de la LFH et alors que la CNCG a infligé, à plusieurs reprises, des sanctions importantes aux clubs la composant, notamment des rétrogradations administratives, considérez-vous que les missions de la CNCG ont évolué ? Quel est le rôle principal de la commission à l’égard des clubs de LFH et de D2F ?
Le rôle de la CNCG est triple :
- Nous accompagnons les clubs dans leur démarche de structuration, notamment en matière sociale et fiscale, nous opérons une veille comptable et juridique sur l’évolution du cadre applicable aux clubs sportifs, et nous travaillons à développer des outils au service de leur suivi de gestion ou de trésorerie,
- Nous contrôlons le respect du cadre réglementaire défini en accord avec les clubs eux-mêmes, à travers notamment la production de documents mensuels et annuels,
- Enfin, pour préserver l’équité entre les clubs de la même division, nous pouvons être conduits à sanctionner, directement ou par le biais de la commission contentieuse, les comportements fautifs.
Depuis presque 10 saisons, notre rôle évolue en effet dans la mesure où 90% des clubs composant la LFH sont les mêmes d’une saison sur l’autre, à l’exception de cette saison où 3 clubs viennent d’accéder de D2F.
Mais surtout, depuis 2012, nous avons mis en place le dispositif dit « VAP » (voie d’accession au professionnalisme) spécifiquement créé pour accompagner les clubs de D2F volontaires vers la LFH., grâce à un cahier des charges intermédiaire entre un fonctionnement amateur et les exigences fixées en LFH.
Les clubs VAP de D2F font partie des priorités car ce sont leur capacité à construire une activité saine qui permettra de stabiliser puis pérenniser une LFH à 12 équipes.
Par ailleurs, la CNCG adapte aussi régulièrement sa doctrine en tirant expérience des situations rencontrées avec les clubs. Par exemple, désormais, la CNCG fixe systématiquement des échéanciers trimestriels à tous les clubs soumis à un plan d’apurement : ainsi, dans le mois suivant la fin de chaque trimestre civil, les clubs concernés ont l’obligation de transmettre une situation comptable. Notre objectif est d’essayer d’anticiper au mieux les difficultés et de prendre les mesures adaptées suffisamment tôt dans la saison sportive, toujours dans l’objectif d’assurer l’équité sportive.
Pour la première fois, la CNCG publie ses données de synthèse issues des budgets prévisionnels produits par les clubs eux-mêmes. Quelle est l’origine de votre démarche et que souhaitez-vous mettre en lumière ?
La Commission dispose bien sûr chaque saison des données détaillées (budgets prévisionnels et comptes de résultat des clubs) et élabore différentes tableaux de synthèse et d’analyse pour étayer ses réflexions.
Jusqu’à récemment, nous avions rencontré des réticences au sein des clubs pour organiser une publication de ces données.
Dans le cadre des derniers échanges au sein des instances fédérales et de la LFH, notre proposition d’établir un document de synthèse et de le mettre à disposition de tous, a finalement été retenue.
Avec le recul sur 8 saisons, nous constatons ainsi les efforts importants réalisés par les clubs sur un plan économique :
- Augmentation des budgets consolidés de 82 %
- Les partenariats privés représentent désormais 40% du budget moyen contre 23 % il y a 8 ans
- Le poids des subventions publiques a diminué, en moyenne, de 65% à 41% dans le budget d’un club
Le point faible reste la billetterie.
Les salaires moyens mensuels bruts (joueuse et entraineur) sont aussi en augmentation constante.
Enfin, nous constatons néanmoins que la structuration interne des clubs en termes d’emplois administratifs reste très hétérogène d’un club à l’autre. Si la moyenne est à peu près constante sur 8 ans, certains clubs disposent de 4 fois plus de salariés que d’autres (hors joueuses et entraineurs pro).
Votre document illustre notamment la grosse progression des budgets des clubs de LFH, dont la moyenne a doublé entre 2008-09 et 2016-17. Comment expliquez-vous cela et quels sont les postes de recettes où les clubs ont particulièrement progressé ?
Le budget prévisionnel moyen en LFH est en effet passé de 880.000 € en 2008-09 à 1.600.000 € en 2016-17. Les sources de recettes se sont diversifiées et la dépendance aux subventions publiques s’est réduite comme évoqué plus haut. Le total des partenariats privés a parallèlement quadruplé en 8 ans, même si là aussi nous constatons des situations très diverses selon les clubs.
Evidemment, les charges des clubs ont, elles aussi, fortement augmenté sur la période, et notamment la masse salariale, qui est passée, en moyenne, de 580.000 € à 1.020.000 €.
La fusion de certaines Régions résultant de la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République, promulguée le 7 août 2015) puis les élections qui ont suivi ont-elles impacté les budgets des clubs de LFH en terme de subventions publiques ? Est-ce une source d’inquiétude que vous partagez avec les clubs ?
Pour l’exercice en cours (les budgets des collectivités étant adoptés par année civile), la plupart des collectivités territoriales ont reconduit les aides octroyées précédemment et les budgets prévisionnels déposés par les clubs de LFH pour la saison 2016-17 n’ont pas présenté de baisse significative quant aux subventions publiques.
En revanche, la saison 2017-18 risque d’être davantage impactée, notamment au niveau des aides accordées par les nouvelles régions.
Enfin, le handball féminin n’échappe pas au même constat que la plupart des autres sports collectifs français, y compris masculins, tenant à des résultats d’exploitation globalement déficitaires. Comment expliquez-vous ce constat et quel est l’accompagnement de la CNCG auprès des clubs ?
Pendant les travaux de la Grande conférence sur le sport professionnel lancé par le ministre des sports, nous avons eu l’occasion d’échanger avec nos homologues des DNCG des autres sports collectifs français. Nous partageons en effet le constat d’un environnement concurrentiel difficile à l’échelle européenne pour les clubs français, notamment en sport féminin. Mais nous avons aussi été chacun confronté à des présidents de clubs se laissant déborder par leur passion, parfois sous la pression de leur entraineur, et prenant des risques budgétaires qu’ils n’auraient pas pris dans leur propre entreprise (la plupart étant chef d’entreprise), mettant ainsi en péril la viabilité même du club, de ses salariés et des équipes amateurs.
C’est pourquoi, la CNCG a toujours pris ses responsabilités pour sanctionner les comportements qu’elle jugeait contraires à l’équité et à la continuité des compétitions.
Notre rôle est de faire la différence entre un accident ponctuel et celui qui devient récurrent, et d’appliquer les mesures appropriées à chaque situation.
La CNCG est une équipe de 12 bénévoles, qualifiés, disponibles et à l’écoute des clubs et consacrant approximativement 4 500 heures annuelles à la gestion des dossiers.
Vous soulignez le statut des membres de la CNCG, qui sont tous bénévoles. Quelles sont les difficultés principales auxquelles votre commission est confrontée pour exercer ses missions ?
Les difficultés les plus sérieuses tiennent aux documents falsifiés qui nous sont parfois transmis dans le but de masquer la situation réelle d’un club ou de faire valider des masses salariales erronées.
Nous avons aussi connu par le passé des fraudes volontaires (doubles contrats, absence de paiement des charges sociales…) de la part de certains dirigeants de clubs. Au-delà de la rupture flagrante d’équité avec les autres clubs, il peut s’agir d’infractions pénales dont leurs auteurs ne mesurent peut être pas les conséquences.
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Nodjialem Myaro, vous avez présenté au Bureau directeur de la fédération la proposition de Francis Serex pour publier les données de synthèse de la CNCG concernant les clubs de LFH. Pourquoi est-ce important pour vous ?
Car c’est la première fois que nous avons la possibilité de publier un document avec des données de synthèse aussi complet établi par la CNCG. Il retrace l’historique de nos clubs depuis la création de la LFH et nous permet ainsi d’avoir une vision sur l’évolution de la situation dans différents domaines (projet économique, évolution des grands postes budgétaires : masse salariale, partenariat et mécénat, billetterie…). Nous avons souvent tendance à être « la tête dans le guidon » et oublions parfois de regarder d’où nous venons et ce que nous avons accompli. Ce document nous permet d’avoir une vision de notre parcours et de constater tous les progrès réalisés.
Le travail de la CNCG apparaît souvent ingrat car dans l’ombre tout au long de la saison puis sanctionnant parfois lourdement les clubs (par exemple refus d’accession ou rétrogradation). En tant que présidente de la LFH et vice-présidente de la FFHandball, comment voyez-vous le rôle de la CNCG ?
Effectivement le travail de la CNCG peut sembler ingrat car nous parlons de la CNCG quand il y a problème mais pas quand cette dernière accompagne les clubs, leurs présidents ou leurs experts-comptables, pour essayer de leur éviter de réelles difficultés, par exemple lors d’un contrôle URSSAF ou fiscal. A mes yeux, la CNCG est une instance indispensable qui constitue un « garde-fou » au service des clubs et de la LFH, pour lutter contre certaines dérives et surtout protéger l’équité sportive. Je crois que les clubs saluent globalement la rigueur de la CNCG et qu’une relation de confiance s’est créée. Tous doivent comprendre que l’objectif de la CNCG est d’accompagner les clubs dans leur structuration, tout en maintenant au centre le principe d’équité .
Vous venez d’être réélue au Women’s handball board de l’EHF, pouvez-vous nous en dire plus sur cette instance et surtout votre rôle en tant que présidente de la LFH ?
Effectivement lors du dernier Congrès de la fédération européenne de handball (EHF), j’ai été réélue au sein du WHB, organe interne de l’EHF. Cette instance a comme principale mission de renforcer la place du handball féminin en Europe à travers un triple objectif :
- Améliorer le positionnement du handball féminin dans les domaines suivants :
- Image (communication, ambassadrices, médiatisation etc.)
- Compétitions européennes (coupes d’Europe et championnats d’Europe),
- Statut de la femme (joueuse, dirigeante, arbitre),
- S’intéresser aux jeunes handballeuses pour développer l’activité,
- Accompagner les nations émergentes,
- Mieux impliquer les différentes fédérations dans des projets communs pour peser sur les décisions de l’EHF.
En tant que présidente de la LFH, je fais en sorte de contribuer à la réflexion sur les compétitions européennes car je constate que les leviers existent pour améliorer la médiatisation de nos clubs et que certains obstacles (TV, marketing, etc) pourraient être diminués si les ligues féminines œuvraient de concert.
En cette saison post-olympique, la LFH a connu pour la première fois de son histoire une vague importante de départs à l’étranger d’internationales françaises. Comment l’expliquez-vous ? Existe-t-il une réflexion entre les différentes ligues féminines européennes sur l’économie du handball féminin ?
Le départ de nombreuses joueuses internationales à l’intersaison s’explique en partie par l’éprouvante année que nous avons vécu avec la disparition de deux clubs de LFH (Mios-Biganos et Nîmes) ainsi que les nouveaux choix budgétaires de certains clubs qui n’ont pas conservé leurs internationales. Mais c’est aussi le début d’un nouveau cycle olympique et le moment opportun pour certaines joueuses d’aller tenter l’aventure à l’étranger. Sur le début de saison, nous assistons d’ailleurs à de très belles performances de la part des internationales françaises évoluant à l’étranger.
J’oeuvre pour que soit engagée une réflexion au niveau du WHB, associant les différentes fédérations et ligues féminines et portant notamment sur le projet économique global du hand féminin.
Au début d’année 2016, le président de la FFHandball décidait d’initier des « états généraux du handball féminin professionnel ». Où en est-on ?
Depuis le mois de juin, les experts du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges ont mené des auditions auprès des personnes ressources représentants différents acteurs de LFH (joueuses, entraineurs, présidents de clubs, élus fédéraux, médias, salariés de la LFH, CNCG, DTN, etc.) afin d’établir un premier diagnostic.
La journée de débats et d’échanges prospectifs est programmée le 21 décembre au CREPS d’Ile de France et à ce jour nous prévoyons environ 60 participants.
L’objectif de ces états généraux est de remettre à plat notre projet commun et de fixer ensemble les objectifs et les orientations à donner à la LFH pour la prochaine Olympiade.
Avez-vous prévu d’aller supporter l’équipe de France en Suède pour la fin de l’Euro féminin ?
J’étais en Suède les 14 et 15 décembre et ai assisté avec bonheur au dernier match des françaises face à la Serbie et qui offre une deuxième demi-finale 6 mois après celle de Rio. Malheureusement, je ne pouvais pas y rester plus longtemps mais je serai évidemment devant ma TV dès ce soir pour la demi-finale contre la Norvège et j’enverrai, comme d’habitude, des messages de soutien aux filles et au staff. J’ai pu échanger avec la plupart des joueuses mercredi et les ai trouvées à la fois concentrées et très motivées.