ITW (LBE) – Maëva Guillerme : « Ne pas finir ma carrière sur une saison pleine, c’est tellement secondaire…
A 31 ans, Maëva Guillerme met un terme à sa carrière professionnelle à l’issue de l’exercice 2019-2020. Passée par le Havre, Arvor, Nice, l’UBB-MB et Mérignac (depuis 2016), l’ailière gauche évolue depuis 2006 dans le paysage handballistique professionnel français, entre la LFH et la D2F. Championne de France et vainqueur de la Coupe de la Ligue en 2012 avec Arvor 29, Finaliste de la Coupe de France (2010) et de la Coupe de la Ligue (2009) avec le Havre, championne de France de D2F à deux reprises avec le Mérignac Handball (2018 et 2019), la Normande a réalisé une belle carrière au plus haut niveau, et va désormais pouvoir se consacrer à sa reconversion professionnelle, courtière en emprunt immobilier. Entretien.
« Il y a forcément un goût d’inachevé »
Nous pensions que nous allions devoir nous battre jusqu’au bout pour notre maintien, et c’est forcément difficile, car nous n’avons pas pu prouver que nous pouvions nous sortir des playdowns. Maintenant ça reste une chance que nous avons de pouvoir assurer notre place en Ligue Butagaz Energie. Il y a forcément un goût d’inachevé, et c’est compliqué d’avoir beaucoup donné pour préparer cette saison, et de ne pas pouvoir la terminer au final. On a l’impression d’avoir fait une saison blanche…
« Une décision qui mûrement réfléchie »
Le contexte actuel n’a rien à voir avec ma décision qui était mûrement réfléchie depuis longtemps. Quand j’ai prolongé la saison dernière, j’avais déjà informé le club que ce serait ma dernière. Je voulais déjà arrêter l’année passée, mais pour la petite anecdote, ça fait plusieurs années que je voulais rejouer avec mes partenaires, Audrey Deroin, Audrey Bruneau et Marine Desgrolard. Mais on se loupe depuis des années pour X raisons… Certaines font des bébés, d’autres se font opérer. Je suis toujours la rescapée, je les attends depuis un moment, il y a eu des rendez-vous manqués, mais cette-fois je prends bien ma retraite sportive (rire).
« La santé collective est la priorité aujourd’hui »
Je suis résignée. Au vu de la situation actuelle, ne pas finir ma carrière sur une saison pleine, c’est tellement secondaire… La santé collective est la priorité aujourd’hui ! Les choses sont ainsi, c’est comme ça. Je prends un peu de recul, j’ai déjà eu plusieurs retraites de fêtées, et ce qui est drôle, c’est que les filles m’avaient déjà dit qu’elles ne me feraient plus de cadeaux, parce qu’à chaque fois je suis revenue sur ma décision. Il n’y aura pas de retour à haut niveau c’est certain, mais c’est toujours compliqué d’arrêter complètement. Le handball a pris une grosse partie de ma vie, et c’est forcément compliqué de partir, on est toutes un peu « junkie ». Peut être que je vais m’ennuyer un peu, et qu’à un moment je vais me relancer dans une équipe au niveau amateur.
« Mal commencer, finir de façon improbable, ça résume un peu ma carrière au final »
Je suis une vieille, et il y a eu pleins de moments forts dans ma carrière. Je vais retenir trois moments forts : mon tout premier titre dans le handball, avec le comité de l’Eure. C’était une histoire un peu improbable, nous nous étions faites éliminer dès le premier tour, nous avons été repêchées, et nous finissions championnes de France. Mal commencer, finir de façon improbable, ça résume un peu ma carrière au final (rire). Le deuxième souvenir est le titre de champion de France avec l’Arvor 29 (2012). Je pense que le titre dont rêve toutes les joueuses qui jouent en première division c’est celui-ci. Il m’avait échappé pendant des années quand je jouais au Havre, et enfin je touchais du doigts le sacre, c’était un moment très fort. Et puis le troisième est la vie collective que nous avions à l’UMBB. Même si nous avions une équipe de rescapées, avec des filles qui avaient eu une carrière brisée, nous avions une vie excellente. Les entraînements étaient tellement difficiles, mais tellement intéressants avec Manu Mayonnade. Il croyait tellement en nous, que nous pouvions perdre tous les matchs du monde, mais nous y allions toujours avec la « gniaque ». Le dépôt de bilan du club a été une période très difficile à vivre, mais je garde des souvenirs très forts de cette période.
« Mérignac, une bonne perspective pour éviter une transition trop brutale. »
Les dirigeants de Mérignac sont venus me chercher à un moment où je voulais terminer ma carrière sur ce souvenir de l’UMBB. C’était tellement génial, que je voulais rester sur cette expérience, avec la volonté de me construire autrement qu’avec le handball. Puis Raphaël Benedetto m’a appelé pour me parler du projet, m’a rassuré sur un avenir professionnel qui était possible, et c’était une bonne perspective pour éviter une transition trop brutale. Il m’a parlé d’un club familial, et en sortant de l’UMBB, je cherchais à retrouver ces valeurs. Je me suis lancée dans cette aventure, en repoussant ma retraite, et j’ai tout de suite trouver des filles très sympathiques. J’ai eu un peu plus de temps pour construire ma vie à côté, et ça m’a permis de trouver un bon équilibre.
« Je suis tombée amoureuse de ce métier »
Après l’UMBB je savais pas trop vers quoi m’orienter. J’avais fait pas mal d’études, mais un peu dans le vide… J’ai parlé de mes pistes avec Raphaël Benedetto, et il m’a fait découvrir son propre métier de courtier en emprunt immobilier. Je suis tombée amoureuse de ce métier, et j’ai passé les formations pour faire ça. Il m’a aidé, et aujourd’hui je travaille avec lui dans sa société. Pour moi c’est essentiel d’anticiper sa reconversion. Nous sommes tellement prises par notre quotidien de sportive de haut niveau, nous vivons un peu dans une bulle, et on a parfois du mal à prendre conscience de l’après. Il y a une forme de naïveté quelque part, et nous ne sommes pas à l’abri d’une blessure dans une carrière… J’ai eu la chance de pouvoir faire cette transition en douceur, et aujourd’hui c’est beaucoup plus simple pour moi de me retirer. Je sais ce qui m’attend derrière, je sais que ça va bien se passer pour moi.