ITW – Mariama SIGNATE, commentatrice lors de la victoire de l’équipe de France M au mondial U21 diffusé en direct sur la Chaine l’Equipe !

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Depuis 15 jours, vous commentez en direct sur la chaine l’Equipe tous les matchs de l’équipe de France U21 lors du mondial en Espagne, aux côtés de Thibaut Duponchel et de Benoît Cosset. Racontez-nous cette belle aventure !

Pour certains, me trouver dans cette position a suscité de la surprise, mais pour moi qu’on parle de handball féminin ou de handball masculin les principes restent les mêmes. J’ai pratiqué le handball depuis l’âge de 4 ans et j’ai toujours accordé autant d’intérêt pour les matchs des hommes que pour ceux des femmes. Chaque joueur développe une curiosité technique, pour mieux comprendre la pratique et/ou progresser sur le terrain. Pourquoi poser des codes en ce qui concerne la personne qui commente alors que les règles et les conditions de jeu sont exactement les mêmes ?

Commenter est un exercice très intéressant et difficile car on ne s’adresse pas seulement à un public de handballeurs ; une partie de l’audience découvre notre discipline ainsi que les règles de jeu qui l’accompagnent. Il faut essayer de trouver le bon équilibre. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais j’ai eu des retours chaleureux et positifs. J’ai pris énormément de plaisir à suivre l’équipe de France du début à la fin de cette compétition et pour moi c’est l’essentiel. Petite cerise sur le gâteau, la finale France/Croatie a battu un record d’audience : plus de 525.000 téléspectateurs ont suivi le match en direct ! C’est la plus grosse audience Handball de toute la saison 2018-19 !

 

 

En handball, c’est la première fois qu’une chaine française fait confiance à une femme pour commenter des matchs masculins, tous niveaux confondus. Pensez-vous ouvrir une voie en faveur d’une telle mixité et prolongerez-vous l’aventure lors, par exemple, des rencontres de coupe de France dont l’Equipe est diffuseur officiel ?

 

Je trouve ça surprenant que je sois la première femme à avoir commenté un match de handball masculin. J’espère avoir démontré que, peu importe d’être homme ou femme, nous avons tous la même passion et nous parlons tous le même langage sportif.

La famille sportive au sein de la Chaîne l’Equipe est magnifique. Il y a une excellente ambiance de travail où tout le monde est très ouvert et disponible. J’ai passé une superbe quinzaine dans la bonne humeur et le professionnalisme. Je les remercie de leur confiance et surtout de leur accueil. Ce fut vraiment une expérience enrichissante ! Je remercie aussi le staff de l’équipe de France ainsi que les joueurs et leurs familles qui se sont montrés disponibles pendant toute la compétition.

Pour la suite, j’espère que d’autres opportunités se présenteront. Nous verrons ce qu’il sera possible de faire mais j’espère dans tous les cas voir beaucoup plus de matchs de handball sur les chaînes en clair.

 

Petite pensée pour Charles Biétry qui m’a fait découvrir et apprécier le milieu audiovisuel et m’a ouvert la porte de beIN Sports, qui fut la première chaine à diffuser autant de matchs de LFH.

 

 

Plus globalement, quel regard portez-vous sur l’environnement médiatique du sport féminin en France, au sein duquel le handball n’arrive pas à trouver une exposition pérenne sur les chaines en clair ?

 

Je souhaite de tout mon cœur qu’on puisse faire en sorte que le grand public se familiarise vraiment avec les matchs de handball. Comment développer un intérêt pour notre discipline si on ne peut en voir que très rarement dans l’année ? Il faudrait augmenter le nombre de matchs diffusés sur les chaînes en clair mais tout ça rentre dans une équation compliquée dont les droits TV et les frais de production sont une donnée majeure. La fédération et la LFH ont tous les éléments et sont plus compétents que moi pour traiter la question. En tant que handballeuse, je ne peux que souhaiter voir un changement dans ce sens, parce que plus de visibilité rendrait la tâche des clubs un peu plus facile en ce qui concerne la recherche de sponsors, et par conséquent le développement économique de la discipline.

 

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En fin de saison, vous avez annoncé mettre un terme à votre carrière de joueuse, après avoir connu la LFH, deux JO avec l’Equipe de France, deux titres de vice-championne du Monde, les meilleurs championnats étrangers, la coupe d’Europe. Si vous deviez extraire de votre carrière les moments parmi les plus marquants, lesquels retiendriez-vous ?

 

En autant d’années de pratique j’en ai pas mal mais j’en retiendrai cinq.

D’abord, mes premiers entraînements de handball à l’âge de 5 ans avec mon défunt premier entraîneur Guy Spina. Il a su grâce à sa pédagogie me transmettre l’amour de ce sport. Ce sont des bases importantes qui ne vous quittent plus durant toute notre carrière.

Ensuite, le championnat d’Europe 2004 : ma première compétition avec l’équipe de France A. À 19 ans, j’ai eu la chance de jouer avec la magnifique joueuse et personne Leila Lejeune avant qu’elle ne prenne sa retraite, ainsi qu’avec des grandes joueuses comme Isabelle Wendling et Stéphanie Cano.

Puis, les Jeux olympiques de Pékin : une organisation extraordinaire, mes premiers JO à 23 ans, avec un 1/4 de finale de haut vol qui malheureusement, après une double prolongation, n’a pas tourné en notre faveur.

Également, le championnat du monde 2009 : ma première finale mondiale avec une super ambiance dans l’équipe. J’avais aussi été nommée dans la Allstar team à mon poste (NDLR : Mariama avait été désignée meilleure arrière gauche de la compétition).

Enfin, l’équipe d’Issy Paris Hand (devenue Paris 92) des saisons 2011-2012 et 2012-2013 : nous avons écrit les lettres de noblesse de ce club. Nous avons réussi a instauré une identité défensive, une culture du combat, la culture de la gagne. Nous avons permis à ce club de gravir pour la première fois de son existence les podiums européens et français (D1). Avec un effectif très réduit, nous arrivions à jouer sur tous les tableaux.

 

 

Vous avez évolué pendant 4 saison à Erd en Hongrie dans l’un des meilleurs championnats européens. Avec votre expérience, quelles sont les différences entre les championnats hongrois et français ? Quels sont les axes de progression que vous jugez prioritaires pour que le championnat de LFH grandisse encore.

 

La plus grosse différence entre le championnat hongrois et le championnat français se situe dans les infrastructures et la médiatisation du handball.

En me basant sur ce que j’ai vu récemment, je pense que la priorité doit être mise sur l’amélioration des conditions d’entraînement. En France, certaines salles ont encore des terrains en béton recouvert d’une fine couche de taraflex. La pratique serait largement améliorée si toutes les équipes professionnelles pouvaient avoir un lieu d’entraînement et de match fixe, aménagé pour allier entraînement technique et physique. On ne peut pas demander aux joueuses de mieux et plus s’entraîner si on ne préserve pas au maximum leurs articulations et qu’on n’optimise pas leur pratique. Pour moi, on joue comme on s’entraine, en plus de la qualité du contenu d’entraînement, les moyens matériaux qu’on donne aux joueuses ont vraiment de l’importance.

En ce qui concerne la médiatisation, la différence entre les deux championnats réside dans le fait qu’en Hongrie, voir un match de handball à la télévision est devenu normal. Il y a beaucoup de matchs diffusés sur les chaînes en clair avec du turnover, on ne voit pas tous le temps les mêmes équipes. Certains matchs sont diffusés sur les chaînes payantes, mais sans payer d’abonnement supplémentaires tout le monde a la possibilité de voir du handball masculin et féminin à la télévision ou sur le net durant toute la saison. Il y a même des émissions consacrées au handball. On voit des hommes commenter du handball féminin, des joueuses invitées pendant toute la saison sur les plateaux télé, ils ont passé un cap dans ce domaine.

En France l’intérêt médiatique pour le handball est malheureusement trop cyclique.

En revanche, l’organisation française est bien plus en avance sur tout ce qui concerne la protection juridique de la joueuse. En France, le contrôle imposé aux clubs employeurs et la présence d’un syndicat des joueuses professionnelles sont des garde-fous qui nous sécurisent.

 

 

Vous avez connu près de 149 sélections en équipe de France entre 2004 et 2014 Vous avez évidemment dû vibrer lors du dernier Euro en France qui a vu la victoire de l’équipe de France dans un Bercy plein à craquer. Quelle analyse faites-vous du jeu de cette nouvelle génération d’internationales ?

 

La France a gardé sa culture de la défense et a encore passé un cap dans ce domaine. On voit que le projet de jeu défensif est compris et que l’ensemble des joueuses a adhéré aux principes.

Concernant le jeu d’attaque, certaines joueuses de classe comme Grâce Zaadi apportent énormément à la stabilisation et à la progression dans ce secteur d’activité. Le jeu est malgré tout différent du fait qu’il n’y plus énormément d’artilleuses de loin comme la talentueuse Orlane Kanor.

 

 

Vous êtes née à Dakar et l’on vous sait très attachée à vos origines et celles de vos parents. Avez-vous des projets autour du handball ou du sport en général au Sénégal ?

 

Le handball m’a énormément apporté et j’ai eu la chance de réaliser mon rêve en ayant une belle carrière sportive. J’aimerai que tous les jeunes puissent avoir la possibilité de bénéficier de la même chose que moi. J’espère qu’avec le temps je pourrais participer à faire en sorte que ce rêve puisse être accessible à tous, sans égard au sexe ou au lieu de naissance.

 

 

A l’heure où va s’ouvrir une nouvelle vie professionnelle, pouvez-vous nous dire quelle direction vous souhaitez prendre ? Avez-vous été accompagnée sur votre fin de carrière pour préparer votre reconversion ?

J’ai fait plusieurs années à l’étranger avant de finir ma carrière Je suis rentrée il y a peu de temps et je n’ai pour l’instant pas encore bénéficier d’une aide à la reconversion venant du milieu handball. Je vais me rapprocher de la fédération pour voir ce dont je ne peux bénéficier. Avant mon départ, j’étais assez sollicité et médiatisée. J’ai disparu des radars français pour aller jouer dans un des meilleurs championnats du monde, le championnat hongrois. Heureusement pas mal de personnes se souviennent de moi, j’ai eu la chance d’avoir déjà quelques propositions intéressantes. Je suis une personne posée et motivée ; je vais prendre le temps de construire le projet de reconversion qui me conviendra le mieux. Quoi que je fasse je resterai toujours au contact du monde sportif.

Ceux qui me connaissent vraiment savent que je suis quelqu’un d’intègre avec des valeurs fortes ; j’espère que je pourrais mettre en avant cet aspect de ma personnalité dans mon nouveau projet professionnel.

 

 

Un grand merci à Maya pour sa disponibilité, sa lucidité et tous nos vœux pour le futur !