Nantes LA, “La victoire au féminin“

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Plusieurs joueuses du Nantes LA au côté de leur Président Arnaud Ponroy (en bas à gauche) et de leur coach Stéphane Moualek (en haut à droite, élu “meilleur entraîneur de D2F“ 2012-2013) lors de la 2è Nuit du Handball, le 24 mai dernier salle Wagram à Paris.

 

Arnaud Ponroy, 3 ans après votre arrivée au Nantes LA (alors en N1), vous voici promu en LFH. Quel était l’objectif de départ ?

En juin 2010, nous récupérons le club pour la saison 2010-2011 avec un Plan que nous avions appelé, un peu pompeusement, “Le Plan 2015“. Dans ce Plan, nous avions fixé un certain nombre d’objectifs dont la montée en LFH pour 2014-2015. Nous avons un an d’avance, acquis la 1ère année en accédant directement en D2F. S’en sont suivies 2 saisons en D2F et aujourd’hui, la montée en LFH.

Nous sommes donc un peu en avance, c’est une satisfaction même s’il est aussi important de bien prendre le temps de se structurer. L’exigence du haut niveau doit s’accompagner de solides fondations pour que l’on puisse continuer à grandir.

 

Comment êtes-vous arrivé à la tête du club ?

Ma motivation première est née d’un sentiment d’indignation par rapport à un constat qui m’est assez insupportable. Voir à quel point le sport féminin en général, le handball en particulier, est moins bien loti que le sport masculin, et voir qu’à niveau de compétition égal, les partenaires publics donnent souvent moins aux filles qu’aux garçons, c’est quelque chose qui personnellement me met mal à l’aise.

J’en avais discuté avec des Présidents de clubs amateurs, dont le discours était un peu fataliste : “Oui mais les filles, elles font du hand, et puis de toute façon elles arrêtent à 16 ans, il n’y a pas de moyens…“. Je trouvais cela injuste, J’avais envie de démontrer le contraire, je me suis lancé ce challenge. C’est le point de départ de mon engagement au Nantes LA. J’aime les défis et j’ai eu envie de m’investir dans un projet féminin.

 

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Championnes de France de D2F 2012-2013, les Nantaises sont promues en LFH pour la 1ère fois dans l’histoire du club.

 

Pourtant, votre passion première, c’est le rugby ?

Effectivement, je l’ai longtemps pratiqué. C’est un sport que j’aime et qui a d’ailleurs pas mal de similitudes avec le handball, notamment dans la notion de jeu. Mes 2 filles (13 et 16 ans, actuellement licenciées au NLAH, ndlr) ont d’abord fait du handball à l’école, puis joué dans le club local. A travers elles, j’ai suivi ce sport de plus près et j’ai pu constater qu’à chaque fois, les filles étaient la 5è roue du carrosse. Et moi, je suis un grand défenseur de la parité.

 

Nantes compte pas moins de 6 clubs* (3 féminins, 3 masculins) au plus haut niveau. Qu’en est-il de la politique de la ville ?

Nous avons la chance d’être bien lotis. Il y a une volonté politique affichée de la part des collectivités territoriales pour ne pas désavantager les clubs féminins. Je le salue car ceci est loin d’être le cas partout.

Cette inégalité de subventions publiques est choquante car implicitement, on accepte qu’à niveau égal les femmes aient des salaires inférieurs aux hommes. On accepte qu’elles se déplacent dans des conditions moins bonnes, qu’elles aient des entraineurs aux moindres qualifications, moins d’encadrement médical. C’est de la discrimination pure et simple. Cela me gêne et j’insiste sur ce thème car c’est aussi le rôle d’une Ligue Féminine, à mon sens, de relayer cette problématique, d’autant que nous sommes sur la bonne voie.

Petit à petit les pouvoirs publics prennent conscience de la chose. Le département (Loire-Atlantique) et la région (Pays de Loire) ont aligné le même niveau de subventions pour les hommes et les femmes. Pour la Région, il me semble que ce sera la 1ère année.

 

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L’initiative “Dame de Sport“ vise à promouvoir les sports collectifs féminins à Nantes. 

 

Comment se passe la cohabitation avec les 2 autres clubs d’élite féminins à Nantes (Nantes Rezé Basket/LFB Nantes Volley Féminin/Ligue A) ?

Cela se passe très bien entre les 3 clubs. Il y a même une belle initiative, la carte “Dame de Sport“ (voir photo ci-dessus), mise en place par le département de Loire Atlantique. L’idée est la suivante : “Achetez votre place pour un match et pour 2 euros de plus, découvrez les autres sports féminins“.

 

Et quelles relations entretenez-vous avec le HBC Nantes (LNH) ?

Entre les entraîneurs (Stéphane Moualek, Thierry Anti), cela se passe très bien, de même qu’entre joueuses et joueurs. Tellement bien que Valero Rivera et notre arrière droite Marion Anti ont récemment donné naissance à un petit Valero (qui porte le même prénom que son père et son grand-père). Après, je reconnais que cela est plus compliqué au niveau des dirigeants. Notre souhait était d’être la petite sœur du H (HBC Nantes), d’avancer dans leur sillage, ce qu’ils ne souhaitent pas. Ils veulent faire cavalier seul, je le regrette mais c’est ainsi.

 

“La victoire au féminin !“, slogan du Nantes LA, semble bien résumer l’état d’esprit qui vous anime ?

Oui, nous l’avons d’ailleurs déposé, ainsi il nous appartient. Ce qui serait merveilleux, c’est que l’on puisse l’utiliser aussi souvent que nous l’avons fait la saison dernière ! (sourires)

 

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L’internationale tunisienne Rafika Marzouk connaît bien la LFH pour avoir évolué successivement à Nîmes (2003-2004), Dijon (2005-2007), Le Havre (2007-2010), Fleury Loiret (2010-2012). 

 

Quel est l’objectif de votre club ?

L’objectif est le maintien. Mais nous sommes un peu plus ambitieux et comme tout le monde d’ailleurs, nous souhaiterions éviter le stress des Play-Downs, accrocher les Play-Offs pour être sereins et pouvoir construire la saison d’après, avancer sur le recrutement. L’objectif serait donc d’accrocher cette si convoitée 6è place, mais nous ne serons pas les seuls sur le coup…

 

Votre recrutement 2013-2014 est-il bouclé ?

Oui. Nous l’avons bouclé très tôt, à la mi-mai (le NLAH a notamment recruté l’internationale serbe Jelena Popovic/Besançon, Estelle Nze Minko/Nîmes, Julie Godel/Besançon. Voir l’effectif complet en fin d’entretien, ndlr).

Le groupe est constitué de 19 joueuses dont 16 pros ou semi-pros. 6 joueuses sont issues de la région nantaise, ce qui est important pour nous : Louisa Makubanza (gardienne, formée au club), Solenne de la Breteche (formée au club et de retour depuis 2011), Estelle Nze Minko (de retour dans son club formateur), Charlotte Joliveau et Elodie Cousin qui sont les 2 joueuses au statut amateur du groupe et Julie Soulard (demi centre formée à la Roche sur Yon). Nous avons aussi des Bretonnes comme Gaëlle Le Hir, Pauline Coatena. 12 joueuses, environ, ont des attaches dans le Grand Ouest.

 

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Après avoir porté les couleurs de Toulouse, Mios Biganos et Nîmes, Estelle Nze Minko est de retour dans son club formateur.

 

En parlant du Grand Ouest, un Derby inédit du “Grand Ouest“ UMB-B vs NLAH aura lieu la 7è journée ?

Oui… 2 clubs de l’Ouest, même si avec l’Union Mios Biganos-Bègles, nous sommes tout de même distants de 300 kms. Compte tenu de l’expérience, de l’histoire de Mios Biganos et de Bègles dans le handball féminin de haut niveau, l’UMB-B sera le grand favori de ce “derby“.

 

Quel est le budget du Nantes LA cette saison ?

Le budget de la saison 2013-2014 est de 1 250 000 euros.

 

Vos partenaires investissent-ils davantage d’année en année ?

Compte tenu du contexte économique, nous n’avons pas de partenaires qui investissent de plus en plus. Par contre, ils sont de plus en plus nombreux. Sans oublier, il faut le mentionner, les pouvoirs publics, la région, le département, la municipalité. C’est important de le rappeler car sans les partenaires publics, il n’y aurait pas de handball féminin de haut niveau.

 

Votre société (Groupe Ponroy) investit également de façon significative dans le club depuis 2010 ?

Le terme d’investissement n’est pas juste. Car lorsqu’on investit, on attend normalement quelque chose en retour. Le terme plus approprié serait “parrainage“ ou “mécénat“, si l’on veut. Aujourd’hui, les efforts sont souvent disproportionnés par rapport aux retours.

Le groupe que je dirige est certes un partenaire financier mais il est aussi important dans la structure et l’organisation du club. Beaucoup de choses sont gérées depuis le siège du groupe par nos équipes (Le Groupe Ponroy est basé à Montaigu, en Vendée, ndlr).

 

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L’internationale serbe Jelena Popovic, 5è meilleure buteuse de LFH en 2012-2013 (avec Besançon), fait partie des recrues du Nantes LA.

 

Dans quelle salle allez-vous jouer en 2013-2014 ?

Nous ne jouerons pas dans la salle 500 (pour 500 places, où évoluait le NLAH en D2F, ndlr) du Palais des Sports de Beaulieu, qui sera trop petite. Nous l’utiliserons pour l’entraînement. La salle 5 000 (pour 5 000 places, ndlr) sera probablement réservée pour les matches télévisés. Le championnat et les matches de Coupe se tiendront très probablement à Saint-Herblain, qui abrite une très belle salle, de 1 600 places.

Le seul défaut est qu’elle est relativement loin du Palais des Sports de Beaulieu, à proximité duquel logent la plupart des joueuses. De plus, nous n’y avons pas de créneau d’entraînement. Ce sont les 2 petits soucis, mais on s’adaptera.

 

Quels sont vos axes de communication pour promouvoir le handball féminin ?

Tout le projet sportif et de communication est tourné autour de la promotion de ce sport. D’une part comme outil de cohésion et d’insertion sociale, en allant chercher des jeunes filles dans les quartiers sensibles. D’autre part, nous mettons en avant l’intérêt du sport féminin en montrant qu’un match de filles peut s’avérer plus spectaculaire. En handball féminin, le rapport puissance/technique penche en faveur de la technique.

 

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L’ailière droite Pauline Coatanea (20 ans) a été sacrée vice-championne du monde Juniors en 2012 avec l’équipe de France. 

 

Plusieurs fois, j’ai entendu des gens du public, après un 1er match chez nous, repartir en disant : “Finalement, on préfère voir les filles“. Cela fait plaisir et c’est aussi lié au beau jeu pratiqué par Stéphane Moualek (élu “meilleur entraineur de D2F 2013-2014“ lors de la Nuit du Handball), qui est parfait pour entraîner des filles.

 

Votre équipe réserve accède également à la division supérieure (N1) ?

Oui, cette double montée nous tient très à coeur. L’équipe 1 monte en LFH, la réserve accède à la N1 et nos “- de 18“ sont vice-championnes de France, derrière le Metz HB. Nos “- de 17 région“ ont terminé 1ère avec un goal average positif de presque 250 buts. La formation est très importante à nos yeux.

Nous nous devons d’être un club formateur, c’est dans l’ADN du Nantes LA. C’est notre vocation. Je suis très content d’accéder à la LFH, nous avons cette exigence du haut niveau. Mais je veux que les gamines du club puissent arriver progressivement dans le groupe, qu’à terme, elles représentent le club dans l’élite. Environ la moitié des -18 évolueront en N1 la saison prochaine, et 2 ou 3 joueuses de N1 intègrent le groupe LFH. C’est quand même plus intéressant que de faire venir une joueuse étrangère, que l’on paie cher pour venir faire une pige. Je préfère que des petites Nantaises et Guérandaises émergent au plus haut niveau. Nous voulons que les meilleures jeunes de la région brillent avec le Nantes LA.

 

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La Bretonne et capitaine du Nantes LA, Gaëlle Le Hir. 

 

Vous semblez aussi être particulièrement sensible au suivi scolaire, universitaire de vos joueuses ?

Absolument. Nous avons une position peut-être atypique par rapport aux autres clubs mais l’on autorise, on encourage même vivement nos joueuses professionnelles à faire des études. Elles n’ont pas de choix à faire entre le hand et les études. Cela fonctionnait en D2, j’espère qu’il en sera de même en LFH.

Aujourd’hui, une carrière de 10 ans comme handballeuse professionnelle ne permet pas de mettre beaucoup d’argent de côté. Très peu se reconvertiront dans le handball, il faut que nos filles aient un bagage, qu’elles soient épanouies. D’autant qu’à Nantes, ville universitaire, nous avons la chance que toutes les conditions soient réunies. C’est important dans la notion de parité, notre rôle est aussi de prendre soin des filles, de les aider à s’épanouir, à vivre leur passion sans négliger le reste.

 

Pour finir, que peut-on vous souhaiter ?

Que la saison soit belle ! Que le NLAH continue de grandir tout en gardant ses valeurs. Notre projet s’inscrit dans la durée, nous souhaitons à terme devenir une place forte du handball féminin. Nous ne sommes pas là pour faire un coup, ou essayer de briller 1 ou 2 ans puis disparaître, comme j’ai pu l’entendre. J’espère que dans 5-10 ans, nous serons toujours là, bien structurés, en bonne santé et alors je pourrai passer la main sereinement, comme doit aussi savoir le faire un dirigeant.

 

*Nantes LA (handball, LFH), HBC Nantes (handball, LNH), Nantes Rezé Basket (Lbasket, FB), Hermine Nantes Atlantique (basket, Pro B), Nantes Volley Féminin (volley, Ligue A), Football Club de Nantes (football, Ligue 1)

Nantes LA, Effectif 2013-2014
Gardiennes. Louisa Makubanza, Wendy Obein, Katarina Tomasevic. Joueuses de champ. Jelena Popovic, Estelle Nze Minko, Julie Godel, Dragica Dzono, Solenne De La Breteche, Rafika Marzouk, Maria Bals, Elodie Cousin, Charlotte Joliveau, Gaëlle Le Hir, Maroua Dhaouadi, Pauline Coatanea, Awa Diop, Alissa Gomis, Wendy Lawson, Julie Soulard. Entraîneur. Stéphane Moualek.

 

Site web du NLAH http://www.nla-handball.fr/