Que sont-elles devenues… avec Oumou Niang-Fouquet
Ancienne joueuse du HAC Handball, de Fleury-les-Aubrais, de Vernon et d’Octeville, Oumou Niang-Fouquet est l’actuelle co-présidente de son club de cœur. Mais pas seulement car, comme un chat, elle ne peut se contenter d’une seule existence ! Rencontre.
Dans son ancienne vie de handballeuse pro comme dans sa nouvelle, hors du terrain de jeu, Oumou Niang-Fouquet, l’actuelle co-présidente du HAC Handball, a toujours eu un certain sens du timing et de l’organisation. Pour déclencher un tir efficace, intercepter une balle, anticiper une défense, c’est une base importante. Mais quand on quitte le maillot de joueuse pour devenir ensuite co-présidente de son club de cœur, adjointe au maire de la 15e ville de France, élue régionale, présidente d’association, femme et maman, avec aussi quelques appétences pour l’immobilier, cela devient un atout indispensable. Ainsi pour coincer un moment d’interview avec l’intéressée, il ne faut pas s’y prendre à la dernière minute. Mais quand l’heure sonne, le temps ne semble plus être un problème. L’ancienne arrière gauche se pose et déroule généreusement. D’abord sur sa rencontre avec le handball, elle qui se voyait plutôt taper la balle jaune : « Depuis toute petite, alors que je suis issue de Caucriauville, un quartier très défavorisé du Havre, j’avais envie de faire du tennis. Mais la licence coûtait trop cher pour nous. J’en ai pleuré devant le club. À la place, je me suis mise au handball grâce au HAC Handball parce que c’était un des seuls clubs, à l’époque, grâce auquel on pouvait faire une activité sportive sans que l’on paye directement la licence. Les dirigeants faisaient en sorte qu’avec toutes les aides qui existent on ne paye quasiment rien. Je suis donc tombée dedans un peu par hasard, même si mes deux grandes sœurs en ont aussi fait. Pour moi, ça a été simple : un jour, j’ai accompagné une de mes sœurs, il leur manquait quelqu’un, j’ai joué et j’ai accroché. J’ai démarré vers 10 ans au moment d’entrer au collège. Là, j’ai aussi eu la chance d’avoir une prof qui était investie dans le milieu et qui m’a bien aidée. Progressivement, j’ai fait mon chemin jusqu’à un sport études à Chartres. Puis j’ai joué à Fleury-les-Aubrais quand le club était en D2F. Ils m’ont fait confiance alors que j’avais 15/16 ans. »
Ce sont les premiers pas, précoces, d’une carrière pro riche de challenges ensuite du côté du Havre donc avec la montée en première division comme meilleur souvenir, mais aussi des expériences à Vernon et Octeville. « Sans conteste, mon meilleur souvenir est l’année de la montée avec le HAC (2000/2001, ndlr) » enchaîne la mère de 4 enfants qui a accordé beaucoup d’importance à son équilibre familial au fil des années, choisissant ses clubs en fonction de la possibilité de lier sa pratique sportive à un métier, mais aussi au fait d’avoir du temps pour les siens. « On avait eu un début de saison compliqué et puis finalement on a enchainé les victoires. L’intégration des nouvelles, étrangères notamment, avait été difficile au début, et puis on est progressivement devenu une sacrée bande de copines. On s’est éclaté tout au long de la saison. On était jeunes, on s’entraînait beaucoup. À l’époque, j’étais au lycée, j’attrapais un sandwich le midi pour aller à l’entraînement car je n’avais pas le temps de manger entre les cours. Ce sont d’excellents souvenirs. On a même un groupe WhatsApp où on discute régulièrement ! »
La suite sera tout aussi passionnante et pleine de rebondissements pour cette « écorchée vive » comme elle se définit elle-même pudiquement, au regard d’une jeunesse loin d’être simple. À Vernon (N1), qu’elle rejoint après de belles années dans la ville fondée par François 1er, elle alterne entre handball et travail dans une entreprise de mécanique de précision, elle se retrouve confrontée à des choix sportifs privilégiant l’équipe masculine, mettant fin à une belle aventure. Le rebond se fera quasi « à la maison » puisque la joueuse fera le bonheur d’Octeville jusqu’à la fin de sa carrière. Elle avance : « J’ai été contacté par Patrice Anne qui me proposait de revenir dans la région et qui voulait faire monter le club en D2. Ça a été un choix mûrement réfléchi car on venait d’acheter notre maison à Vernon. Et puis finalement on a sauté le pas, en 2008. Un an après, on était de nouveaux en D2. Je suis resté 7 ans à Octeville. En parallèle du handball, je travaillais dans les établissements scolaires. J’ai été assistante de vie d’une prof malvoyante et j’ai aussi passé mon diplôme d’éducatrice sportive. Je travaillais dans plusieurs structures… »
C’est là, peut-être, que l’agenda de la future dirigeante et élue a commencé à bien se remplir pour ne plus avoir trop de créneaux à proposer. « J’ai été une décrocheuse scolaire très tôt – je n’ai même pas le bac – et je me suis ensuite formée sur le tard. En vieillissant, c’était devenu une inquiétude car je me suis dit que le jour où il n’y aurait plus le handball, ça deviendrait compliqué. Je me suis dit qu’il fallait que je me reprenne en main. J’ai donc décroché mon diplôme d’éducatrice sportive à 30 ans, ce qui me donnait un niveau bac. »
Les années passant, son profil, franc, humble et terrain, ne manque pas de se faire remarquer au point de donner des idées, en 2014, au Parti Socialiste local qui la propulse sur sa liste. Elle est élue dans l’opposition, mais ne goûte guère les guerres intestines et ne se satisfait pas d’un rôle peu constructif en conseil municipal, elle qui a l’âme rassembleuse. Et si elle se retrouve aussi finalement élue à la région, elle se dit que la politique n’est pas vraiment faite pour elle. Et que quand tout cela sera fini, elle passera à autre chose. Comme développer une activité dans l’immobilier pour lequel elle s’est découvert une passion.
Mais la vie est têtue… D’abord parce qu’en 2018, des bénévoles viennent la chercher pour devenir présidente du HAC Handball. Elle détaille : « Je ne me sentais pas du tout légitime à gérer un club de haut niveau avec un budget de près d’un million d’euros. Je leur ai dit : “Vous êtes bien gentils mais ça n’est pas possible. Je veux bien vous donner un coup de main, vous aider, mais je ne veux pas prendre la présidence du club”. Ils m’ont tout de même présenté Guillaume Milert, qui était directeur d’une grosse société partenaire. Lui souhaitait prendre la présidence du club. On a échangé ensemble et au départ je ne me suis pas trop entendue avec lui. Finalement après un conseil d’administration extraordinaire, les élus du club nous ont dit qu’ils verraient bien une coprésidence pour que lui puisse gérer la partie financière et administrative et moi la partie handballistique. » C’était parti. Depuis, deux autres co-présidents se sont succédés aux côtés d’Oumou Niang-Fouquet. « Le club avait fait beaucoup pour moi. C’est grâce à lui que je suis devenue la femme que je suis aujourd’hui. Je ne pouvais pas faire autrement. »
Son engagement est alors remarqué jusqu’à Matignon puisque le Premier Ministre d’alors et actuel maire de la ville, Edouard Philippe, veut la convaincre de rejoindre son équipe. « Un jour, je reçois un appel de sa part au cours duquel il me demande de mes nouvelles et si on peut se rencontrer quelques jours après, car il ambitionne de revenir au Havre. J’ai d’abord cru à un canular de mon beau-frère (rires). Le jour J, il m’avait donné rendez-vous dans un lieu secret et jusqu’à ce que je vois la première puis la deuxième voiture de police et plein d’hommes en uniformes, je n’y ai pas cru. On échange alors pendant 1h et il me propose de le rejoindre. Je lui explique que je suis de gauche et que ça semble incompatible. Il m’a alors demandé si l’éducation ou le social étaient de droite ou de gauche. Il m’a dit qu’il me proposait de travailler sur le terrain, sur ces thématiques, que son équipe serait composée de gens de divers horizons, que je devais venir avec mon étiquette socialiste. »
Après quelques semaines de réflexion, l’ex sportive pro se jette à l’eau. Sans regrets. Aujourd’hui elle gère pas moins de 91 écoles au Havre comme adjointe au maire chargée de l’éducation et de la jeunesse. « On travaille pour les Havrais et les Havraises. On est constamment sur le terrain. » Élue aussi à la Région, elle a mis de côté son activité pro de mandataire immobilier « car on doit être impliquée tous les jours quand on est élue dans une telle ville », mais trouve encore le temps pour son association, La maison du cœur, qui aide des élèves en décrochage scolaire. « Donner est un moteur, c’est lié à mon parcours de vie. J’ai eu la chance de recevoir de personnes comme les Bougeant, comme Jean-Luc Le Gall et d’autres, je dois donner à mon tour. »