Dans la famille Pajot… avec Mathias et Mathieu
Arbitres et frères jumeaux, Mathias et Mathieu Pajot font partie des paires que l’on reconnaît facilement dans les différentes divisions du haut niveau français. Grandis dans le handball et l’arbitrage du côté de Bondoufle, ils mènent des carrières pros très intenses tout en arbitrant avec tout autant de passion. L’occasion de les passer à la question pour notre rubrique « Dans la famille de ».
Mathias : Je suis donc Mathias Pajot, j’ai 31 ans, je suis célibataire avec une enfant, qui a l’âge de 5 ans. Je joue au handball depuis 17 ans et on arbitre avec Mathieu depuis l’âge de 16 ans. Par ailleurs, je travaille dans la restauration en étant chef de secteur.
Mathieu : Moi, c’est Mathieu. J’ai donc le même âge que Mathias (rires) ! Dans ma vie professionnelle, je suis conducteur de travaux chargé d’affaires dans le bâtiment en réhabilitation lourde. Je suis marié et j’ai une petite fille de 19 mois. Et pour les infos sur le handball et l’arbitrage, tout a été dit juste avant !
Comment est née votre passion pour le handball ?
Mathieu : Le handball est arrivé dans notre vie après avoir testé d’autres sports comme le judo, le ping-pong ou le basket. Et on s’est arrêté dessus en créant une équipe avec des amis. Du coup, on a commencé à jouer entre amis et ça s’est terminé à un niveau plus important ensuite. Et puis naturellement l’arbitrage s’est inscrit dans notre façon d’apprécier le handball. C’est d’abord Mathias qui s’est mis à arbitrer et je l’ai rejoint un an après.
Mathias : C’est vrai que j’ai ouvert la voie du côté de l’arbitrage. Le club avait l’obligation de présenter des arbitres comme on avait une équipe région. Finalement, j’ai plus arbitré pour les quotas obligatoires de club et très rapidement, on m’a demandé si je désirais arbitrer un peu plus haut. J’ai dit que j’avais un frère jumeau avec qui je jouais au handball depuis toujours. Et c’était parti. Ce qui est vraiment drôle à savoir d’ailleurs sur notre passion pour le handball, c’est que l’on n’a jamais disputé un match l’un sans l’autre. On a toujours joué dans la même équipe et dans les mêmes rencontres.
Vous avez évolué à des postes différents néanmoins…
Mathieu : Moi j’étais gardien essentiellement et Mathias était demi-centre et ailier.
Comment s’est fait effectuée votre transition vers une activité handball essentiellement tournée vers l’arbitrage ?
Mathieu : Cela a été une obligation car ma petite fille est née il y a deux ans. Pendant nos études, on arrivait encore à jouer et à arbitrer, après aussi, mais à partir du moment où on veut jouer à un bon niveau type National 2, 3 entraînements par semaine ça devient intense, il y avait le travail et la vie de famille. Après c’est 4 à 5 soirs par semaine consacrés, c’est plus possible. Le choix est naturel. Soit on joue, soit on arbitre.
Mathias : Moi j’ai continué à m’entraîner un tout petit peu plus que Mathieu. Mais j’ai eu une petite blessure à l’épaule qui m’a contraint à m’arrêter pendant quasi 1,5 an. Et puis moi aussi, j’ai eu une petite fille qui est née et qui m’a pris beaucoup de temps. On a deux gros postes à responsabilités dans nos emplois respectifs donc il faut choisir. Depuis cette année, on n’a plus de club d’entraînement. On fait néanmoins d’autres sports comme de la course à pied et du renforcement musculaire pour se maintenir en forme pour l’arbitrage.
La passion de l’arbitrage est venue petit à petit chez vous, je crois…
Mathias : La première année d’arbitrage a été une découverte pour notre duo. Mais la PIFO nous a repérés sur nos arbitrages et nous a proposé d’intégrer un pôle de jeunes arbitres nationaux où on a pu, dès la 2e année d’arbitrage, intégrer des coupes de France, des comités de l’Essone, avec les Interpôles où on a intégré un parcours de jeunes arbitres aspirants à monter très rapidement en National. On s’est retrouvé assez vite à un bon niveau d’arbitrage avec une vraie passerelle pour grimper les échelons. En l’espace de 2/3 ans, on s’est vu propulsé en National 2/National 1 et donc naturellement, ça nous a plus qu’attirés. Depuis petit, on rêvait de cotoyer de plus en plus le haut niveau et là on commençait à approcher les espoirs que l’on avait.
Mathieu : De mon côté, cela s’est un peu imposé à moi puisque Mathias avait besoin d’un bînome. Ce n’était pas ma passion première. Mais quand on fait ensuite le point. En tant que joueur, c’était compliqué d’aller très haut. En tant qu’arbitre, ça pouvait plus se faire. Donc on l’a fait.
Mathias a donc été le moteur de cette aventure ?
Mathieu : Clairement. Il a fallu que je me m’accroche car même en terme de niveau, au début, je n’étais pas aussi bon que lui. Ça n’est qu’au bout de 3 ou 4 ans que j’ai comblé le retard je pense. Même dans les suivis, cela se ressentait. Je pense que c’est à partir de la N2 que ça a marché comme il fallait. Il faut dire que, de mon côté, j’étais vraiment plus attiré par le jeu. Mais on s’est toujours suivi avec Mathias ! La passion est venue en pratiquant, au final.
Mathias : Je l’ai tiré un peu dans l’aventure mais on jouait et on s’entraînait déjà ensemble. On a ensuite arbitré. Pendant quasi 8 ans, on a tous les jours de la semaine pris pour le jeu ou l’arbitrage. Après sur la partie handballistique, je jouais sur le terrain tandis qu’il était gardien. Donc la lecture de jeu et l’ergonomie handballistique, j’y étais un peu plus confronté que Mathieu. Du coup au début, je prenais un peu plus de décisions que lui. Mais cela s’est lissé au fur et à mesure.
Quelle place prend votre gémellité dans votre activité ?
Mathias : Mathieu et moi, on a exactement la même philosophie sur la partie handballistique, on ne se voit pas l’un sans l’autre. Parce que dès petits, on a appris à être ensemble, à vivre dans la même chambre, dormir ensemble, évoluer dans le même sport. Hormis les études où on a cherché à avoir de la différence, on a toujours gardé ce lien de faire la même chose. Ensuite, il faut savoir qu’entre nous, c’est assez explosif dans le travail ou dans les analyses hand. On est énormément dans la critique l’un par rapport à l’autre. En fait ce sont des critique, sur le moment très intenses, mais où le désaccord peut s’en aller très vite pour laisser la place à finalement un axe d’amélioration, un marche de progrés de plus en plus importante. En tous cas à une rigueur que l’on s’impose et qui est identique. C’est beaucoup plus facile pour nous de travailler comme ça. Il n’y a pas de lien amical car notre lien, familial est très fort et cette connexion.
Mathieu : On se prend pas mal la tête, oui. Même pendant les matchs et certains délégués pourront en témoigner, il ne vaut mieux pas être entre nous (rires). Ils savent qu’ils ne doivent pas intervenir. Mais nos échanges, même intenses, passent très très vite. C’est ce qui peut faire la différence avec un autre binôme. Certains doivent parfois maîtriser leurs mots et leurs pensées, nous pas du tout.
Comment cela est possible ?
Mathieu : Chez nous, c’est le binôme qui prime. Il n’y a pas d’animosité là-dedans. L’idée est de faire une bonne performance à deux. De toutes façons, on n’est pas grand chose sans l’autre. On se dit les choses à un temps T et on est capable de parler de tout à fait autre chose 10′ plus tard. Et c’est pareil dans la vie de tous les jours également.
Mathias : Depuis qu’on est petits, en plus tout le monde se trompe de prénoms (rires). Je réponds souvent à des amis, des gens du boulot à sa place et inversement. On se dit que si on fait une erreur, ça sera assumé par les deux (rires). On a une connexion qui est vraiment très forte. Quand on jouait en N2, Mathieu pouvait ferme les yeux dans ses cages et me chercher en contre-attaque, il me trouvait. Même à 40 m. Les balles arrivaient toujours dans mes mains. On avait une connexion wi-fi comme disaient les gens.
Vous n’avez jamais pensé à vous séparer ?
Mathias : Si demain, il devait y avoir un arrêt d’arbitrage, Mathieu et moi le ferions ensemble. Il n’y aurait pas de reconstruction. Je ne me vois pas arbitrer d’une manière différente ou avec quelqu’un de différent que lui. Il y a vraiment ce lien.
Mathieu : Il n’y a pas photo. D’ailleurs, je refuse systématiquement les arbitrages de début de saison avec d’autres arbitres, même en prépa. Cela ne m’intéresse pas parce que la performance est très difficile et la critique facile. Si tu fais un mauvais match, cela peut te suivre pendant un long moment. Si c’est pour le faire avec quelqu’un d’autre et assumer les casseroles, ça n’est pas pour moi.
Comment avez-vous équilibré votre duo ?
Mathieu : Il faut pouvoir tout dire et ça n’est pas une difficulté pour nous. Le fait d’avoir joué ensemble permet d’avoir les mêmes avis et les mêmes analyses techniques. Sur la vidéo, on est parfois pas d’accord même cela se joue sur des détails et c’est rare. D’autres binômes auront deux visions différentes et cela pourra apporter aussi, évidemment, mais pour nous, ça marche comme ça.
Quelles sont les qualités de l’autre sur le parquet ?
Mathieu : Pendant un moment, j’aurais dit : plus calme. Mais récemment, un peu moins. Mais globalement sur l’ensemble de l’année, il est quand même plus tempéré.
Mathias : Mathieu, il a une qualité importante dans le sport : il est dur. Quand on est face à des sportifs de haut niveau, il faut être capable de garder une certaine pression. Et aujourd’hui, par son activité pro, il est très dur dans la relation. Il ne se laisse jamais marcher dessus.
Il y a « un bon flic et un mauvais flic » dans le duo ?
Mathias : Effectivement je suis plus « le gentil » et lui le plus ferme (rires).
Est-ce que les joueurs et joueuses savent en jouer ?
Mathias : Oh oui ! Et nous aussi. Mais nous, ce qui nous aide, c’est qu’ils ne nous reconnaissent pas toujours. Et qu’on arrive à gérer nos bons et mauvais moments. Du coup, on a chacun notre zone de préférence pour la gestion des conflits. Ainsi il arrive très souvent que ça soit toujours le même qui soit en liaison avec le banc et très souvent que sur certaines situations de jeu le même qui passe certains messages à certains joueurs.
Vous avez chacun un travail très différent. Quelle place cela a dans votre vie ?
Mathieu : Moi j’avais envie de faire des études plus poussées. Je me suis très rapidement dirigé vers le bâtiment. J’aimais beaucoup travailler de mes mains, je bricolais le week-end. Après le Bac, j’ai fait une licence de maths, physique, chimie et sciences de l’ingénieur puis j’ai enchaîné sur un master de génie civil. Et puis beaucoup de travail l’été. Ce qui est drôle, c’est que l’on est dans des milieux très différents finalement. Le bâtiment, c’est assez dur et franc. Et cela marque mon caractère. Quand tu es conducteur de travaux, tu n’as pas trop le droit à l’erreur. Quand tu es responsable de 80 personnes sur des chantiers à 18 millions, tu te dois d’assumer. Cela se ressent. Mathias va être plus dans le politique, dans le consensus.
Mathias : C’est vrai. Moi je suis sorti très tôt de l’école, à 16 ans avec l’objectif de vouloir cuisiner. Et je me suis tourné vers des études hôtellerie/restauration où j’ai fait un BEP puis un Bac Techno et ensuite un BTS, puis une licence management d’entreprise. Et je me suis très vite mis à travailler, dès l’âge de 17 ans, dans le très haut de gamme. Et pour finir dans la restauration d’entreprise afin de pouvoir allier vie privée, sport et mon job. Et j’ai monté les échelons en partant de second de cuisine à responsable des opérations dans une grande société. J’ai en charge un périmètre qui représente la moitié de l’Île-de-France avec une quinzaine d’établissements dont je pilote les parties restauration et services. Ça permet d’avoir de la flexibilité pour l’arbitrage, qui est, depuis 3 ou 4 ans, un vrai endroit de plaisir qui nous sort de la « pression » de notre travail. Même si, évidemment, il y a une autre forme de pression à avoir. Tout ça en sachant que l’arbitrage m’a permis d’apprendre à gérer les conflits dans mon travail. Et inversement. J’ai des clients de haut de standing et savoir prendre des responsabilités, bien s’exprimer, se canaliser, cela s’apprend aussi en devenant arbitre. C’est complémentaire.