[D2F J17] Amina Tounkara : « La commotion cérébrale et ses suites restent très difficiles à traiter »
Victime d’une commotion cérébrale en septembre 2022, la gardienne du Noisy-le-Grand Handball, Amina Tounkara est, après des tentatives trop précoces, finalement vraiment revenue à la compétition lors de la 16e journée de D2F. Un long combat pour la jeune joueuse.
Amina, votre nom est réapparu, après de longs mois, sur une feuille de match lors de la 16e journée de D2F face au leader de Sambre Avesnois. Cela veut dire que vous allez mieux ?
Ça va beaucoup mieux qu’il y a quelques mois, mais c’est vrai que ma situation reste à confirmer ! Car la commotion cérébrale et ses suites restent quelque chose de très difficile à traiter. Pour le moment mes premières minutes de jeu se font un peu désirer car je devais débuter face à Bouillargues, mais le match a été reporté. Donc finalement, j’ai refait une feuille de match lors de la dernière journée mais je n’ai pas joué. Je me suis seulement échauffée mais c’était positif d’être sur le terrain !
On imagine que retrouver le terrain, c’est déjà autant une victoire qu’un plaisir, non ?
J’ai du mal à mettre la notion de plaisir en avant pour le moment, car je me demande toujours si cela va réellement marcher. Aujourd’hui, c’est une victoire parce que ça n’était pas gagné d’avance. Cela n’était même pas envisageable en juin dernier quand j’ai fait ma visite chez le neurologue et qu’il m’a dit qu’il faudrait peut-être que je pense à une fin de carrière. Donc il y a cette notion de petite victoire. Mais pour la notion de plaisir, je dois attendre. Je ne veux pas être dans l’euphorie et être déçue ensuite.
On le rappelle, vous avec été touchée par une commotion cérébrale en septembre 2022. Que s’est-il passé ?
Cela faisait à peine 2’30 » que j’étais entrée sur le terrain et j’ai pris un ballon dans la tête. J’ai perdu connaissance tout de suite. Et j’ai eu la totale… Traumatisme crânien, perte de connaissance et commotion cérébrale. Sur le moment, je suis restée allongée au sol très longtemps. J’avais conscience de ce qu’il se passait autour de moi, car le médecin avait réussi à me « réveiller », mais je n’arrivais pas à réagir, à ouvrir mes yeux. Et ça n’est vraiment que quand je suis arrivée à l’hôpital que j’ai vraiment pu le faire. Cela devait faire près de 2h.
Sur le moment, les choses sont allées vite. Allongée au sol, j’ai eu le temps de beaucoup penser. Je me disais : « merde je vais devoir sortir du terrain, merde je ne vais pas pouvoir rentrer chez moi, je ne vais pas pouvoir jouer le prochain match » et après j’en suis même venue à me dire que je n’allais plus jouer du tout, voire même ne pas me réveiller. Quand j’étais au sol, j’ai senti l’agitation autour de moi, que c’était grave.
Et ensuite ?
J’ai passé la nuit à l’hôpital et je suis revenue chez moi le lendemain. Pendant quelques jours, je suis restée dans le noir car la lumière, le bruit, tout devenait très gênant et désagréable. Cela a vraiment été très compliqué. Ensuite, j’ai retrouvé progressivement les terrains. Deux mois après, je reprenais la compétition, mais j’ai fait une rechute, avec un malaise à la fin du match. Encore une fois, j’ai été transportée à l’hôpital. J’ai vu un neurochirurgien qui m’a dit que ça n’était pas grave, que c’était surtout psychologique. À partir de là, j’étais dans le flou car je sentais des choses anormales. J’ai tout de même suivi cette thèse en voyant des psys et j’ai finalement repris la compétition début mars 2023. Ça allait mieux à ce moment, mais de fil en aiguille, dans la saison, je me sentais de moins en moins bien. J’ai commencé à avoir des trous de mémoire qui se répétaient. Ça m’a inquiétée.
Qu’avez vous fait ?
Je me suis plus renseignée et j’ai pu rencontrer le professeur Jean-François Chermann à la fin de saison. Je pensais le voir simplement pour repartir sur de bonnes bases. Il m’a alors fait des tests et ces derniers n’ont pas été bons du tout. Il m’a dit qu’il fallait que m’arrête immédiatement. C’était la fin de saison donc j’étais plutôt confiante… Mais cela s’est compliqué car, selon lui, je n’aurais jamais du reprendre et encore moins de cette manière-là. Le fait d’arrêter ma carrière a été questionné.
Quelle a été la marche à suivre ?
Il me fallait du repos d’abord, donc je suis partie en vacances. L’idée était ensuite que l’on se revoit avant mon début de saison. Cela a été mieux avec le repos, mais il a fallu que je suive une rééducation avec un orthoptiste qui est à Lyon, mais aussi un kiné vestibulaire. Ensuite petit à petit, j’ai repris l’activité car cela fait partie du processus. Il fallait reprendre, sans impact, donc essentiellement avec de la course et de l’aérobie. Il y a eu des paliers à passer patiemment. C’est un long processus.
Il y a de crainte maintenant ?
Oui il y en a. Quand j’ai vu le professeur, la dernière fois avant la reprise, et qu’il m’a donné l’autorisation, il m’a dit qu’il ne le faisait, en général, pas après autant d’arrêt et que comme j’allais mieux, il ne pouvait pas m’interdire de revenir sur le terrain. Mais il m’a quand même demandé si le jeu en valait la chandelle. Et c’est la question principale. Je suis encore jeune et je sais que j’ai encore beaucoup d’années de pratique devant moi, mais cela implique des ballons dans la tête car inévitablement il y en aura puisque je suis gardienne.
Même s’il y a de réels progrès dans la prise en charge, les commotions cérébrales restent encore mal connues et parfois mal appréhendées…
Je l’ai vu dans mon parcours de soin. Ma prise en charge n’a pas été idéale et c’est ce qui a fait que mon processus de rééducation a été plus long. Cela devient plus connu, mais c’est compliqué encore. Même si pour elle aussi, cela a été une malchance, j’ai pu échanger avec Cléopâtre Darleux et c’est grâce à elle que j’ai pu entrer en contact avec le professeur Chermann et les autres spécialistes.
Vos études en management international et votre association Hand’Joy ont permis de tenir le coup ?
Sans ça, cela aurait été vraiment très très difficile et cela l’a vraiment été, malgré tout. Car il n’y a pas que la commotion en elle-même. On est impacté dans la partie psychologique et c’est très dur de se dire que cela ne va pas. Il y a le cognitif, mais aussi l’aspect dépression derrière. Heureusement que j’avais ces activités à côté. Ma propre association m’a aidée !