Dans la famille Lassource… avec Coralie et Deborah

Alors que la Ligue Butagaz Energie vient tout juste de reprendre et tandis qu’elles ont été sacrées championnes du monde avant les fêtes, les sœurs de ce nouvel épisode de notre série « Dans la famille de » sont, cette semaine, Coralie et Deborah Lassource. Pensionnaires respectivement du Bretagne Brest Handball et de Paris 92, elles se sont beaucoup rapprochées grâce au handball et à l’équipe de France, elles qui ont 7 ans de différence !

Coralie, Deborah, vous êtes parmi les handballeuses françaises les plus connues, récentes championnes du monde, mais pouvez-vous vous présenter comme vous le feriez à quelqu’un qui ne vous connait pas ?

Coralie : Je suis Coralie Lassource, j’ai 31 ans et je suis ailière gauche au Brest Bretagne Handball depuis 2019. En LBE, j’ai aussi évolué au Issy Paris Handball, devenu Paris 92. J’ai commencé le hand vers l’âge de 10 ou 11 ans, en Martinique, au carrefour de Tivoli.

Deborah : Moi je suis Deborah Lassource, j’ai 24 ans et je suis arrière polyvalente à Paris 92 depuis 9 ou 10 ans. Et j’ai aussi commencé le handball au carrefour de Tivoli, en Martinique… À cause de ma sœur !

À cause ou grâce ?

Deborah : Vraiment à cause… Je n’aimais pas du tout ça au début. J’ai commencé le hand, contrainte et forcée. Mes parents voulaient que je fasse une activité physique quand j’étais petite, mais moi je n’avais pas du tout envie de faire de sport. Ils m’ont forcé la main pour aller au forum des associations, au début d’une année, et j’ai finalement atterri au hand car ma mère et ma sœur jouaient déjà. C’était plus facile comme ça de m’y emmener. Au début, c’était vraiment une relation très compliquée.

Coralie : Ah oui, c’est vraiment de ma faute si on l’a mise au handball (rires) ! Moi c’était mon truc afin de pouvoir sortir de la maison. Et du coup mes parents se sont dits : « Ah ça pourrait être pas mal que Deborah fasse aussi du sport et voit autre chose que la maison ». Je pense qu’elle m’en a beaucoup voulu au début. Il n’y avait pas de pleurs ou de choses comme ça, mais elle n’était pas impliquée du tout. Ça m’est arrivé de la regarder s’entraîner et parfois elle ne bougeait pas, elle restait au milieu de terrain, je ne sais même pas si elle touchait la balle…

Ah oui tant que ça…

Deborah : Je n’aimais pas du tout. Ça a bien duré 3 ans avant que je ne m’y plaise. Mais au fil des années, j’ai finalement continué et maintenant j’aime bien ça (rires) !

Coralie : Oui, ça va, elle est championne du monde (rires).

À côté du handball, avez vous le temps de faire autre chose ?

Coralie : Au centre de formation, j’ai passé mon bac et ensuite j’avais commencé une année de BTS que je n’ai pas finie car c’était l’année où Issy a été rétrogradée en D2. Il y a eu beaucoup de départs donc, comme jeune, j’ai été amenée à beaucoup plus jouer. C’était compliqué de concilier les deux. J’ai arrêté et je me suis consacrée seulement au handball. Mais j’ai repris des cours après. Là je suis en année de césure et je me consacre à fond aux échéances qui arrivent avec le club et l’équipe de France. Mais je vais reprendre plus tard quand ça sera moins compliqué au niveau de l’agenda. Si j’ai un conseil à donner aux plus jeunes, c’est de ne pas arrêter les cours, car reprendre après c’est tellement difficile. Je sais que quand on est jeune, on peut avoir envie de profiter, mais on peut arriver à se forcer, à trouver l’énergie. Quand on prend de l’âge, c’est plus compliqué.

Deborah : Moi, j’ai un DUT information et communication et j’ai ensuite fait une licence marketing. Je poursuis par ailleurs une formation en psychologie pour continuer à apprendre des choses. Je suis d’une génération à qui on a fait comprendre que c’était important d’avoir des études à côté, qu’une carrière ça n’était pas toute une vie. Au centre de formation, ils ont mis l’accent sur ça. Et avec l’expérience de ma sœur qui n’avait pas trop d’aménagements, j’ai vu qu’il fallait que je sois vite dedans.

Coralie a été d’une grande influence sur vous Deborah ?

Deborah : Pour cela oui. Pour le hand aussi, mais dans une certaine mesure tout de même. On a eu le même parcours finalement, avec 7 ans d’écart. On a eu les mêmes coachs, et moi, on me comparait souvent à Coralie. Et ça m’énervait beaucoup car on n’est pas du tout les mêmes physiquement et handballistiquement parlant. À vrai dire, plus jeune, je n’avais pas trop envie d’entendre parler d’elle. C’est plus par la suite, quand j’ai grandi, que sa carrière a été inspirante. Elle a eu des titres sur le tard par exemple, ce qui démontre qu’elle n’a jamais rien lâché. Elle a du partir tôt pour tenter de décrocher ses rêves, elle est partie loin de la famille à l’étranger aussi. Sur ces points-là, oui, c’est un exemple pour moi. Jeune, vraiment je ne voulais pas que l’on nous compare, mais parallèlement à ça, j’étais contente de ce qui lui arrivait.

Il y a à la fois de l’admiration et de la pudeur chez vous. Néanmoins, est ce que vous pourriez nous dire ce que vous aimez l’une chez l’autre ?

Coralie : Elle a une super mentalité. Et j’aime bien la façon dont elle voit les choses, la façon dont elle réfléchit. Sa capacité à être posée. Moi, je suis un livre ouvert : si je suis fâchée ou contente, ça se voit tout de suite. Elle, elle est capable d’avoir un « masque social » pour ne pas se dévoiler et prendre le temps de faire la part des choses. Elle est aussi très généreuse, en ayant un bon équilibre entre ses besoins à elle et le fait d’être tournée vers les autres. Moi, je suis parfois trop altruiste. Sur le terrain, j’adore sa polyvalence et sa capacité à s’adapter sur tous les postes. Elle n’est pas arrière droite à la base, mais quand je vois son dernier championnat d’Europe, j’ai été époustouflée. La polyvalence, ça peut être un défaut comme une qualité car elle peut s’y perdre, mais en même temps, c’est un plus car tu peux jouer partout et être performant partout.

Deborah : C’est vraiment quelqu’un de très très généreux, quitte à se faire passer après.Dans le hand, ce que j’admire notamment chez elle, ce sont ses qualités physiques. Elle a fait de l’athlétisme et ça se voit sur le terrain. Elle court vite, elle saute haut. Elle est explosive. Moi je ne suis pas lente non plus, mais elle a ces qualités qui sont vraiment intéressantes. Je lui envie ça. Elle a travaillé dur pour ça. Et puis, c’est surtout quelqu’un qui le lâche pas. Elle est acharnée, elle se bat toujours pour son équipe.

Coralie : Je pense que l’on a ça en commun !

C’est ce qui fait que chacune, par exemple, vous avez pu être capitaine à certaines moments de vos carrières ?

Coralie : On n’est pas forcément les filles qui vont parler tout le temps mais, sur le terrain, on va montrer le chemin. Notamment en défense. Notre engagement, notre combativité, c’est ce qui a plu à nos entraîneurs pour nous nommer capitaine je pense.

Deborah : Oui, c’est ça. Pour ma part, être capitaine m’a apporté beaucoup. Ça m’a aidé à prendre de l’assurance. Et si je ne parle pas beaucoup dans un collectif, je n’ai pas trop eu à changer ma personne. Je suis capitaine par l’exemple.

Quel regard portez vous sur vos carrières ?

Deborah : Ça fait longtemps que je suis dans le circuit. J’ai eu la chance que le club me fasse confiance très jeune. Même si, au début, je n’avais pas beaucoup de temps de jeu, j’ai pu apprendre beaucoup auprès de grandes joueuses comme Stine Oftedal, à l’époque. Après il y a eu pas mal de pépins physiques au club, donc ça m’a permis d’avoir l’occasion de m’exprimer. Franchement, j’ai beaucoup appris de toutes les expériences que j’ai pu avoir. Il y a eu des moments difficiles mais au final, je suis contente de ce que je fais. J’ai quand même gagné récemment les championnats du monde ! Ça serait dommage de ne pas être heureuse.

Coralie : Pour ce premier gros titre, tu es carrément en avance sur moi. Et je te souhaite d’aller encore plus loin et d’avoir un meilleur palmarès que moi. Néanmoins je suis très satisfaite de ce que j’ai accompli jusque-là. Mon premier titre de championne de France ne date pourtant que d’il y a 3 ans, quand j’avais 28 ans, alors qu’il y a des joueuses de ma génération qui ont 5 titres ou plus. Tout s’est décanté très tard pour les titres et vraiment en équipe de France depuis 2021. Mais, j’ai eu la chance d’être la capitaine cette équipe de France championne olympique. Les choses m’arrivent plus tardivement que certaines mais je me dis que notre vie est déjà écrite. C’est sûr que j’aurais aimé gagné des titres plus jeune car j’ai eu des occasions avec Paris, mais l’important c’est de se dire que le travail paye toujours et que les choses arrivent quand elles doivent arriver.

Et cette saison ?

Coralie : Pour le moment, je suis très satisfaite de ce que l’on a pu produire en championnat de France puisque l’on est invaincu et que l’on a un match en moins par rapport à Metz. C’est très positif. En Ligue des Champions, on a eu un parcours pas très constant. Sur le mois de janvier, on va recevoir pas mal d’équipes. On peut réussir à grappiller des places pour remonter au classement si on joue bien les prochains matchs.

Deborah : Le bilan est plutôt bon pour le moment. On a perdu des points à domicile contre Brest et Nantes que l’on aurait aimé avoir, mais ça reste des concurrents directs. On espère faire mieux encore en 2e partie de saison.

Ce Paris 92 – BBH, c’est le choc à ne pas perdre chaque année ?

Deborah : C’est un match de championnat, on est là pour ça (rires) ! Surtout, ce sont des matchs normaux pour nous désormais. On est habitué maintenant à jouer l’une contre l’autre. Et puis, elle est à l’aile et moi sur la base arrière, on se croise peu. Mais évidemment, on se retrouve après. Et pendant il n’y a pas d’histoires de famille qui tiennent !

Coralie : Les matchs face à face, c’est vraiment devenu une habitude. Mais il faut quand même gagner, attention. Sur le moment, je n’y fais pas vraiment attention. Je ne me dis pas que je joue contre elle. Notre premier face à face, c’était quand je suis partie en Hongrie et que l’on s’était rencontré en Coupe d’Europe, et ce qui avait été drôle pour moi, ça avait surtout été de jouer face à mon ancien club, plus que face à elle.

Dans ce club, vous avez eu la chance de jouer ensemble. Quels souvenirs en gardez vous ?

Deborah : Ça n’était pas forcément un objectif, initialement, de jouer ensemble car on a quand même un grand écart d’âge, mais j’ai été très contente de me retrouver avec elle. J’étais très jeune à l’époque car j’avais 15/16 ans quand j’ai vraiment démarré. Elle m’a beaucoup apporté à l’époque en terme d’intégration. Je pense que moi, un peu moins à ce moment-là (rires). Mais j’étais vraiment contente de l’avoir pour me guider. Arriver dans un effectif où il y a de grandes joueuses, ça peut intimider. Grâce à elle, je me suis sentie bien et décomplexée dans mon jeu.

Coralie : Ça a été une chance de jouer ensemble à cette époque, c’était vraiment cool. Tout le monde n’a pas la chance de jouer avec sa sœur en D1. Et ça s’est fait comme ça, naturellement. À l’époque, j’étais vraiment focus sur ce que je devais faire pour être une bonne joueuse. Et puis, petit à petit, elle a fait les entraînements avec nous, puis elle a été prise aux matchs. Moi j’ai essayé d’être là pour la conseiller. J’ai toujours eu ça avec les jeunes, essayer de les aider. J’ai tenté de faire ce que je pouvais faire de mieux. Après je suis partie et elle a volé de ses propres ailes. Et elle ne peut qu’être fière d’elle car son parcours est vraiment excellent. Et maintenant on se retrouve en équipe de France. C’est fou. C’est une fierté et une chance.

L’Équipe de France, justement, vous dîtes que cela vous a rapprochées ?

Deborah : Quand tu as 7 ans d’écart, tu vis des choses très différentes au même moment. Et elle est partie assez tôt de la maison pour le handball. Donc on n’a pas eu une enfance classique ensemble. Au début on ne se connaissait pas tant que ça ! Mais c’était la vie. Et maintenant on est assez proches et j’espère que tu ne diras pas le contraire ! On se retrouve sur beaucoup de choses, on partage nos ressentis, notamment concernant le handball. Le fait de savoir ce que l’autre vit , ça rapproche. Quand tu n’es pas sportif professionnel, c’est difficile de comprendre certaines choses. Le vivre toutes les deux, on sait de quoi on parle.

Coralie : La différence d’âge joue moins maintenant. Quand tu es jeune, 7 ans c’est beaucoup. Tu es à des périodes de ta vie très différentes. Avec le temps, elle a pris en maturité. On aborde des sujets très différents aujourd’hui. Tout simplement parce qu’il faut avoir des expériences de vie pour aborder certaines choses. C’est comme avec notre petit frère qui joue à Massy, on est très séparé en terme d’âge.

Avec les Bleues, l’Euro 2022 a été un déclic parce qu’on a passé beaucoup de temps ensemble. Ce qui ne nous arrive pas souvent. J’ai découvert en elle des choses qui m’ont agréablement surprise. C’était vraiment un temps très fort.

Pas aussi fort que les derniers championnats du monde ?

Deborah : Le titre mondial est forcément notre meilleur souvenir ensemble. Déjà, gagner un championnat du monde, c’est incroyable, mais le faire avec sa sœur, c’est franchement indépassable.

Coralie : Il n’y a pas besoin de parler beaucoup dans ces cas-là. Quand le coup de sifflet final a retenti, je l’ai attrapée fort. Ce qui est fort, c’est qu’elle n’était pas prévue à la base. Au final, on était toutes les deux et j’étais contente pour elle. On l’a fait, ensemble. Ça n’est que du bonheur !

Deborah : Ah ça, on a passé un bon Noël 2023, tous ensemble ! Nos parents avaient chacun une médaille autour du cou (rires).

Justement, quand le temps, dans vos agendas chargés, vous le permet, qu’est ce que vous aimez faire ensemble ?

Coralie : Quand on est disponibles toutes les deux, on aime se retrouver chez nos parents. On aime bien juste partager du temps ensemble. Et manger !

Deborah : On se fait des petits brunchs sympas. Le dernier, c’était au Café Bohème, à Paris.

Et sinon, dernière question piège… Qui est la meilleure des deux au hand ?

Deborah : Pour le moment, en terme de palmarès, c’est elle. On verra plus tard, une fois qu’on sera toutes les deux à la retraite. Mais je me rapproche d’elle, attention !

Coralie : C’est vrai que j’ai le plus gros palmarès pour le moment… Mais j’ai 31 ans et toi 24. Elle peut me rattraper. Ou alors il faudra que je continue encore longtemps le hand à ce rythme. Malheureusement je récupère moins bien qu’avant (rires) !