Sport Féminin Toujours – Françoise Duquesne :  » je n’aurais jamais imaginé vivre une telle évolution du handball féminin dans les médias »

Françoise diqiesne

(photo : Olivier Stephan / BBH)

 

À l’occasion de l’opération Sport Féminin Toujours qui se déroule du 14 au 20 février, la Ligue Féminine de Handball interroge, chaque jour, divers acteurs et actrices du handball féminin sur leur vision. Rendez-vous, pour ce septième et dernier entretien avec Françoise Duquesne, médecin historique du Brest Bretagne Handball. Une personnalité reconnue et respectée dans le milieu médical et dans le handball, qui revient sur sa belle aventure dans le Finistère. 

 

Cette semaine, le monde sportif se mobilise aux côtés du ministère chargé des Sports et du CSA pour une meilleure médiatisation de la pratique sportive féminine à travers l’opération Sport Féminin Toujours. Que vous inspire cette semaine ? 

Je suis femme et le sport est important dans ma vie, donc une semaine sur le sport féminin ne peut que m’emballer ! J’aimerais évoquer d’abord la pratique féminine pour revenir ensuite à la pratique du sport ou d’une activité physique :

En déménageant à Lesneven, le camion de déménagement a été stoppé par un ballon de Handball, je me suis demandée ou j’arrivais ! Un an après, en 1994, on me demandait d’être le médecin du Lesneven Handball ; Dans le Finistère, le handball féminin était déjà une spécificité locale historique, d’où l’idée en 2004 de fusionner les clubs de Brest et LesnevenLe Folgoët, afin de développer la pratique du handball féminin de haut-niveau dans le Finistère ; Mon aventure dans le Handball s’est alors orientée vers ce nouveau club Arvor 29, devenu maintenant le BBH, entraînant dans cette formidable aventure humaine tous les passionnés de handball.

Quand maintenant je vois l’Arena de Brest comble avec plus de 4000 personnes certains soirs, avec une ambiance de feu, des visages émus par l’intensité des matchs, les enfants attendant les joueuses pour les séances de signatures à la fin des rencontres et portant le maillot du BBH quel que soit l’âge et le club sur notre territoire,  cela montre l’attrait pour le sport féminin ! Je suis fière de faire partie de cette formidable aventure.

Avoir une équipe de haut niveau locale avec des joueuses très accessibles et la volonté du club d’en faire la promotion, la médiatisation, au même titre que pour les joueurs de foot, a beaucoup contribué à faire évoluer le handball féminin Finistérien. Mais il y a également la volonté d’aller à la rencontre des clubs locaux, des quartiers, les joueuses professionnelles vont animer une séance de Handball ou faire une séance de dédicaces auprès des jeunes afin de leur donner envie de faire du sport, ils rentrent chez eux les yeux plein d’étoiles avec LA photo souvenir avec une joueuse de l’équipe, qu’ils ont parfois vue à la télé, l’identification à cette joueuse est alors possible!

En 20 ans, le nombre de pratiquantes a considérablement augmenté dans tous les sports, que ce soit en loisir ou en compétition, mais l’objectif des Jeux Olympiques Paris 2024, d’être les premiers Jeux strictement paritaires de l’Histoire, est loin d’être atteint ; Malgré les efforts de la fédération de handball, d’équilibrer le ratio hommes/femmes dans ses organisations, à titre d’exemple, il y a en LBE deux médecins et -une entraîneuse !

De même, dans les staffs de LBE il y a une majorité d’hommes, alors qu’il serait intéressant d’avoir une parité dans les métiers transversaux (entraîneurs, préparateurs physiques, médecins, kinés) au vu des spécificités féminines.

Il reste également un long chemin à parcourir au niveau de la pratique de l’activité physique, c’est l’un de mes combats quotidiens ; Nous sommes face à un enjeu de société, Il est fondamental de promouvoir le sport (activité physique avec un cadre, des règles et des compétitions), mais surtout l’activité physique (mouvement produit par les muscles squelettiques, responsables d’une augmentation de la dépense énergétique » (OMS), pour tout citoyen, quel que soit l’âge, le handicap, la maladie chronique, et évidemment le sexe ; L’évolution de la société a engendré une sédentarité, une inactivité physique, et une mauvaise hygiène de vie avec des conséquences sur notre santé, l’activité physique peut nous apporter un bien-être, une qualité de vie, une diminution de la morbidité et de la mortalité ; Je milite pour l’activité physique pour tous, chacun avec ses différences et chacun à son niveau. 

 

Dans votre métier de sportive professionnelle, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ou rencontrez en évoluant dans le sport féminin ?

Je ne pense pas qu’il y ait de difficultés liées au sport féminin, en revanche il y a des particularités, différences et spécificités du sport féminin, qu’il ne faut pas nier. 

Les filles et les garçons sont différents au niveau psychologique, physique et athlétique, ils sont  différents ; De plus, chacun est influencé par son milieu familial, sa culture, ses origines, son parcours scolaire et sportif, les médias, donc chaque être est différent et doit être considéré comme un individu unique. Donc pourquoi faudrait-il uniformiser, standardiser, rentrer dans « une norme » ?

Pourquoi en 2022, l’image modèle de la femme est encore celle du top model des magazines ? Il n’est alors pas étonnant, que bon nombre d’adolescents/es et même d’adultes ne trouvent pas leur place, et appréhendent de montrer leur corps différent dans une séance de sport. 

Le sport a le pouvoir de changer des vies, en enseignant aux femmes et aux filles le travail en équipe, l’autonomie, la résilience et la confiance en soi, le sport est l’un des principaux moteurs de l’égalité homme/femme mais pour cela les femmes doivent encore braver les stéréotypes de genre et les normes sociales dans le sport. Il faut toujours et encore convaincre.

Après ce petit coup de « gueule », revenons au côté médical côté handball ; L’augmentation du nombre de pratiquantes ces dernières années les expose aux traumatismes et aux risques de blessures. Mais il y en a une qui concerne particulièrement les femmes c’est le risque de rupture du LCA, qui a des conséquences lourdes, nous l’appréhendons tous, d’où l’importance des programmes de prévention, « routines » du quotidien, dès le plus jeune âge,  qui permettent de diminuer de 50% cette lésion. Cette prévention des blessures fait partie de la boite à outils de base de l’entraîneur et/ou du préparateur physique.

Bien  évidemment, l’accompagnement de toute joueuse doit être globale, il faudra donc être attentif aux problématiques féminines spécifiques, les menstruations/aménorrhées, les fuites urinaires à l’effort, qui ne seront pas forcément évoquées spontanément. L’aspect psychique est également fondamental quand je vois le nombre de matchs joués entre 2021 et 2022 avec les JO et Mondiaux pour certaines joueuses professionnelles !

Donc améliorer les conditions de la pratique sportive féminine n’est pas un vain mot ; Le handball a été le 1er sport Français à se doter de son propre accord collectif en 2021, c’est une avancée marquante des droits des joueuses, notamment pour les maternités.

 

A votre échelle, comment contribuez-vous à la réussite du sport féminin et plus particulièrement quel(s) conseil(s) apporteriez-vous en priorité à des sportives qui souhaitent réussir ou tout simplement se faire plaisir en faisant du sport ?

Je ne sais pas si je contribue personnellement à la réussite du sport féminin, je ne vois pas cela ainsi, je pense que je suis un maillon d’une chaîne qui fait tout pour que le sport vive, pour tous, quel que soit l’âge, le handicap, le sexe, la catégorie sociale et culturelle ; Promouvoir l’activité physique est un combat de tous les jours, depuis des années ; Expliquer les bienfaits du sport pour la santé physique et psychique, par une activité quotidienne, imagée par les #7000 pas par jour, est un message quotidien dans mes consultations, mes cours.

Informer, sensibiliser, montrer l’exemple, mais aussi être humble et pouvoir dire que parfois il faut se pousser, que c’est un effort d’aller faire du sport après le boulot me semblent très importants.

Pour conseiller un sport il faut au préalable cerner la personne afin de répondre à ses questions, ses besoins, ses envies, en fonction de ses disponibilités. Le sport est avant tout un plaisir, un antistress,  qui doit apporter un bien-être et s’il n’est pas bien ciblé, il conduit souvent à un abandon de la discipline mais plus encore de toute activité physique. 

 Selon l’âge, le contexte médical, les attendus et les performances, la proposition sera différente. Une femme de 30ans, avec des jeunes enfants travaillant à des horaires décalés pourra difficilement concilier sa vie personnelle avec un sport collectif ; Mais quelqu’un d’un peu plus âgé, qui aime l’échange, la bonne humeur, le contact social, et l’activité physique pourra apprécier par exemple, le handfit, c’est pour cela que je m’y suis mise ! 

Il est également important de bien informer sur  la façon de pratiquer, en progressivité et de manière globale, avec un accompagnement initial, en respectant les différentes phases dont l’échauffement et les « routines » adaptées à chacune pour éviter au maximum les blessures ; Les conseils passeront aussi par la nutrition, l’hydratation, le sommeil, le chaussage et les particularités de chacunes… C’est toujours une analyse globale comme en gériatrie mon autre passion.

 

Quel regard portez-vous sur la place occupée par le handball féminin dans le paysage médiatique. Avez-vous constaté une évolution dans les médias depuis vos débuts dans le milieu ? 

Il y a 20ans, je n’aurais jamais imaginé vivre une telle évolution du handball féminin dans les médias,  ce sport y est bien plus présent parce que les résultats sont là,  grâce à une médaille d’or aux JO, une médaille d’argent aux Mondiaux, et parce que le palmarès est à la hauteur des handballeurs. 

Les réseaux sociaux contribuent beaucoup à cette démocratisation du handball féminin, certaines joueuses emblématiques locales sont vues des milliers de fois par jour.

Par ailleurs, il y a une volonté réelle du club de mettre en avant les joueuses et les résultats sont là donc tout contribue à promouvoir le handball féminin ; Dans les journaux ou sur les affiches à Brest, vous pouvez voir parallèlement l’annonce des matchs de foot masculin et de hand féminin ! Les petites filles s’identifient à ces joueuses accessibles, ma petite fille cinq ans, a commencé le handball avec le maillot du club ! Elle aurait pu faire n’importe quelle autre activité physique évidemment, mais le fait de venir au match, de voir les joueuses, de m’y voir aussi a contribué à lui donner envie de faire cette activité

Bien évidemment je ne suis pas dupe, le sport féminin est encore très loin dans le paysage médiatique par rapport aux hommes, mais volontairement je regarde ce qu’il y a de positif, et dans dix ans, le sport féminin aura encore progressé dans les médias.

 

Sport Féminin Toujours souhaite mettre en avant des grands moments du sport féminin. Quel serait celui que tu retiendrais de ton côté (lié ou non au handball et perso ou pas ?

Il y a deux moments récents qui m’ont marquée dans le handball féminin, le final four avec le club, c’est la première fois que le club y allait, le match contre Gyor était fantastique ! Bien évidemment la finale des JO a été un moment clé, vue par la France entière, sur une chaîne publique, ce sont ces moments intenses en émotions, moments de partage et de plaisir qui font la meilleure promotion de notre sport