Sport Féminin Toujours – Gaëlle Louis : « Pratiquer est un axe de satisfaction, partager décuple la passion. »

maxresdefault

(photo : AMOS)

 

 

A l’occasion de l’opération Sport Féminin Toujours qui se déroule du 14 au 20 février, la Ligue Féminine de Handball interroge, chaque jour, divers acteurs et actrices du handball féminin sur leur vision. Rendez-vous, pour ce troisième entretien, avec Gaëlle LOUIS, journaliste chez Ouest France et Nantes Sport, qui suit d’un oeil avisé l’actualité du handball français et international depuis de nombreuses années. Ancienne sportive de haut niveau de GRS, elle intervient également depuis 2017 au sein de l’école de commerce AMOS à Nantes. 

 

Cette semaine, le monde sportif se mobilise aux côtés du ministère chargé des Sports et du CSA pour une meilleure médiatisation de la pratique sportive féminine à travers l’opération Sport Féminin Toujours. Que vous inspire cette semaine ?

Qu’elle est évidemment la bienvenue pour toutes les sportives et tous les sports, collectifs comme individuels ! Il serait utopique de se dire « Il ne faut pas entrer dans cette logique, que ce genre d’initiatives stigmatise encore plus le clivage sport féminin / sport masculin ». On continue, justement, à parler de sport, mais via le prisme de la femme. Avec toutes les nuances et la palette de différences qui en font son intérêt… aux cas où certain(e)s ne s’en seraient pas encore rendu compte. J’espère que cela générera des actions, un « réveil » de certain(e)s à différentes échelles.

Une façon de faire comprendre à ce cher Coubertin que ses propos de 1912 à Stockholm étaient un sacré ramassis de bêtises, une antithèse de ce qu’est le sport au féminin. (« Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est, à mes yeux, l’adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs ».

 

Dans votre métier, quelles sont les difficultés que vous rencontrez en évoluant dans le sport féminin ?

Cela me peine de le dire et, cela pourrait passer pour une  » excuse » ou de la facilité, mais la plus grosse difficulté pour mon cas – et j’espère que cela s’atténue désormais pour mes consœurs des nouvelles générations – a été… d’être une femme. J’ai débuté très jeune en PQR, dans des rédactions exclusivement masculines (ce qui est encore le cas d’ailleurs dans ma zone géographique). J’ai été très bien accueillie au sein de la rédaction sportive, cela a été beaucoup plus compliqué avec la hiérarchie. J’ai eu beau avoir les mêmes responsabilités que mes collègues masculins, les CDD se multipliaient sans CDI. J’ai toujours fait preuve de patience mais après 10 ans d’expérience, l’excuse de la jeunesse ne tenait plus… Je n’ai bénéficié d’aucune considération lors de ma grossesse, là où mes collègues devenant pères avaient toutes les attentions. N’ayant pas pris de congé maternité, je recevais également les critiques de mon choix de retravailler de suite, étant en parfaite santé et sachant pertinemment qu’une absence aurait joué en ma défaveur de la part de la direction. Mon expérience n’est pas isolée, je le crains et la question de la maternité chez les sportives de haut-niveau, professionnelles ou non, ne devrait pas en être une ! 

Sur le « terrain », il n’y a eu qu’un réel accrochage, au tout début de ma carrière, avec un coach refusant de me parler d’entrée car voulant avoir affaire à « UN professionnel  » (SIC). Car cela s’est toujours bien passé, sachant que je couvre autant les clubs masculins que féminins.

Reste que je constate encore aujourd’hui que l’on accorde plus de crédit à UN jeune débutant qu’une femme aguerrie… et que j’entends de la part de certains confrères des remarques sexistes régulièrement, agrémentées du sempiternel « C’est bon, je rigole ». Je considère ne pas avoir à justifier ce constat, ce n’est pas une généralisation. Mais la normalité serait tout simplement qu’elles n’existent pas.

 

À votre échelle, comment contribuez-vous à la réussite du sport féminin et plus particulièrement quel(s) conseil(s) apporteriez-vous en priorité à des sportives qui souhaitent réussir ou tout simplement se faire plaisir en faisant du sport ?

En tant que journalistes, nous restons de simples traits d’union entre les entités et le public. Pour ma part je m’efforce que défendre à place égale dans nos colonnes les sports féminins. Je dois avouer que ce n’est pas une lutte pour les sports collectifs pro, car c’est apparu comme une évidence en PQR . C’est plus compliqué pour les sports amateurs et sports individuels. Je suis issue d’une discipline exclusivement féminine ou presque (Gymnastique Rythmique) et faire bouger les lignes est difficile. Mais c’est aussi aux comités, ligues et fédérations de se poser les bonnes questions, d’effecteur les efforts pour sortir de l’anonymat médiatique. 

Le premier des conseils serait de leur dire de ne jamais penser « Ce n’est pas pour moi », quelque soit le sport. D’y aller, de pousser la porte, de poser des question, d’essayer. De croire en ces valeurs premières du sport : l’intégration, la pugnacité. De découvrir les parcours extraordinaires de sportives comme Rebecca Romero, médaillée olympique à Athènes en aviron et devant abandonner sa discipline pour des problèmes de dos. Pour remporter l’or… en cyclisme poursuite quatre ans après à Pékin.

Et de partager, transmettre. J’ai toujours été engagée bénévolement à l’échelle de mon club et le suis encore, j’essaie d’inculquer cet esprit autour de moi. Pratiquer est un axe de satisfaction, partager décuple la passion. 

 

Quel regard portez-vous sur la place occupée par le handball féminin dans le paysage médiatique. Avez-vous constaté une évolution dans les médias? 

Il a fallu batailler. Mais le hand féminin a su gagner ses lettres de noblesse par la performance et des joueuses dont le discours et la personnalité ont su porter haut les couleurs de ce sport. L’engagement du milieu pour se faire une place a été très prolifique sur les dix dernières années et je ne parle pas que de la France. La ferveur en Hongrie, c’est quelque chose à vivre ! Les Françaises parties tenter l’aventure à l’étranger, aussi, sont des ambassadrices de choix. Et puis, les supporters de handball ont conscience de la qualité du spectacle sportif peu importe le sexe. L’équipe de France féminine et son palmarès incroyable ces dernières années ont été une vitrine idéale en termes de visibilité. On a l’immense chance en France de connaître des épopées fabuleuses tant chez les Bleus que les Bleues.  Quand on aime la petite balle pégueuse, portée par des hommes comme des femmes, ça vous colle à la peau !

 

Sport Féminin Toujours souhaite mettre en avant des grands moments du sport féminin. Quel serait celui que tu retiendrais de ton côté (pas forcément lié au handball)?

Les exploits d’athlètes féminines ont toujours eu leur place dans mon histoire, dans ma construction de femme et de journaliste. Du haut de mes 10 ans, je me revois suivre comme un film à suspense la finale du concours général de gymnastique artistique féminine des JO de Barcelone, remportée par Tatiana Gutsu pour 1 centième de point devant Shannon Miller enlevant l’argent à Lavinia Milosovici pour 3 centièmes ! Un podium olympique aussi tenu, c’était délirant. Et puis la même année, Marie-Josée Pérec… Le doublée quatre ans après à Atlanta, son allure, sa gestuelle, j’en ai encore des frissons.  

Pour l’ensemble de sa carrière, qui je l’espère se poursuivra jusqu’à Paris, je suis admirative de notre discobole Mélina Robert-Michon, qui se trouve être une fantastique porte-parole de ce qu’est le quotidien d’une sportive de haut-niveau , longtemps non professionnelle… et maman.

Des personnalités comme Venus Williams sont incroyablement inspirantes pour toutes les petites filles et, j’en suis persuadée également, pour les garçons.

Mon cœur d’amoureuse transie du sport en général a toujours explosé lors des grandes échéance. Il y a bien sûr les médailles olympiques de nos basketteuses et handballeuses, encore plus le titre à Tokyo car sur le parquet se trouvaient plusieurs jeunes femmes exceptionnelles que j’apprécie bien au delà du handball. 

J’en oublie sûrement, mais c’est pour faire de la place à tous les grands moments à venir !